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La Pendue de Londres de Didier Decoin

Le bourreau et la putain

La Pendue de Londres de Didier Decoin

 

Ils étaient treize criminels nazis, et ils ont fait la renommée d’Albert Pierrepoint. En décembre 1945, l’un des principaux bourreaux de Sa majesté la Reine d’Angleterre est appelé à Hamelin, en Allemagne, pour procéder à l’exécution d’employés de la SS par l’armée britannique.

Parmi eux, Irma Grese, surnommée la hyène de Belsen, âgée de 22 ans, la plus jeune, mais redoutable des gardiens de camp nazis. Et parce qu’il parvient à les exécuter par pendaison en un temps record, chacun à une demi heure d’intervalle, tout en se faisant fort de leur épargner un maximum de souffrances, Albert Pierrepoint récolte le privilège délicat d’avoir sa photo dans le journal de sa ville.

Ses activités ne sont alors plus si discrètes, mais elles contribuent aussi au succès du pub qu’il ouvre avec sa femme. 

 

 

Dans La Pendue de Londres (Grasset), Didier Decoin a choisi de raconter la vie de cet homme discret et scrupuleux. Il décide même de lui prêter le «je» de narration, tandis qu’il croise son itinéraire avec celui de sa dernière «victime», Ruth Ellis, qui aura lieu dix ans après le début du roman. Le parcours d’une femme libre, flanquée d’un fort caractère, d’un corps de rêve et d’un passé terrible : père violent, pervers et alcoolique, mère soumise, soeur tyrannisée. Ruth pourrait incarner la femme moderne, qui s’assume financièrement au risque accepté de la prostitution, mariée quand même, respectable enfin, mais rattrapée comme par une prédestination fatale.

L’histoire croisée de ces deux héros tragiques n’a rien de banal. S’en dégage une atmosphère électrisante qui rend ce livre impossible à lâcher. L’auteur a enquêté, reconstituant minutieusement les conditions de vie de l’époque, entrant dans les codes de mise à mort de façon fascinante. Mais au-delà de l’écriture exigeante, du fait divers et de l’intérêt sociologique et historique de cette fiction inspirée, s’ouvre un champ de réflexion capital et dérangeant : situé du «bon côté», celui des vainqueurs et du droit, le bourreau Pierrepoint achève des hommes et des femmes, dans l’exécution simple d’une mission. Un métier.

L’homme est sympathique, «comme tout le monde». Au stade où il intervient, la justice a rendu son verdict : l’interrogation sur la valeur morale du jugement rendu ne franchit pas les barrières de la dernière cellule où un Albert Pierrepoint simplement focalisé sur la tâche à accomplir vient chercher le condamné. Le bourreau de la Reine exécute ses victimes avec aussi peu de scrupules que les gardiens de camp qu’il exécute en 1945. Seule l’en distingue sa préoccupation d’abréger les souffrances. C’est en tout cas une interrogation qui effleure le lecteur et fait un peu froid dans le dos.

Karine Papillaud

La pendue de Londres, Didier Decoin, Grasset, (2012)

Photo©BENAROCH/SIPA

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Commentaires (1)

  • silencieuse le 06/06/2013 à 08h32

    Pas convaincue du tout par ce roman de Didier Decoin qui nous avait habitués à bien mieux. Même si l’histoire de cette « pendue de Londres » a servi la cause de l’abolition de la peine de mort, j’ai ressenti un certain malaise durant cette lecture, une position de voyeur face à un fait divers sordidement décrit. Et si le bourreau avait une âme, diront certains ? J’ai quand même du mal à y croire. En attendant de renoncer à son second métier, il pense à l’argent qu’il va gagner dans son pub s’il est celui qui va pendre Goering. Quant aux autres personnages, ils sont à peu près aussi odieux, même Ruth Ellis pour qui on ne peut finalement ressentir aucune amitié alors que l’auteur aurait pu nous donner d’elle un portrait autrement plus attachant. Bref, ce roman ne m’a ni bouleversée, ni émue, ni séduite. Si l’auteur avait voulu mettre un peu d’humanité dans son texte, aurait-il écrit : ce bourreau "a battu le record du monde de vitesse. Pour certains condamnés, il entrait dans la cellule, et 7 secondes après, le condamné en question était mort." Glauque …

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