
L’amour et l’exil au cœur d’un roman simple et bouleversant, incroyablement poétique, dont l’héroïne n’est pas une jeune fille belle et douce, mais une troublante vieille dame au cœur passionné.
Tamouna va fêter ses 90 ans ce soir et toute sa famille sera là. Mais c’est Tamaz qu’elle attend, le grand amour pudique et timide de ses 15 ans qu’elle a connu au début des années 20 en Georgie. C’était avant l’exil de sa famille, avant que tout bascule dans la raison des vies d’adultes. Des décennies plus tard, Tamaz va venir, il l’a promis.
Dans l’espoir de sa venue, elle se remémore près d’un siècle de son histoire, qui croise aussi celle de l’Europe. La Mer Noire, c’est un peu une Mrs Dalloway géorgienne, qui inscrirait les dernières heures de sa vie au fil de ses vagabondages dans le passé, le temps d’une journée.
Le dispositif narratif est classique, qui mêle l’histoire de la vieille dame aux flash back de son passé. Jusqu’au moment où le lecteur ne sait plus quelle époque appartient à la vie ou aux souvenirs. De même, aucun repère chronologique ne recrée une biographie bornée, plaquée, au contraire : les âges et les émotions se répondent et se mélangent, le présent de la narratrice est aussi le passé du lecteur contemporain.
On tombe amoureux de ce texte dès ses premières pages. Récompensé en juin par le Prix Landerneau, un prix décerné par des libraires, La Mer noire est un roman incroyablement sensible et tendre, sans mièvrerie ni facilité. Les dernières pages tournées, l’histoire demeure, comme un petit morceau de souvenir dans le cœur du lecteur.
Karine Papillaud
La mer noire, Kéthévane Davrichewy, Ed. Sabine Weispieser, 2010