
Dans le roman de Nicolas Jaillet, La Maison n’a rien à voir avec l’image d’Epinal d’une douce famille riante dégustant un ersatz de café au lait le matin. Mettez-vous en mode Hitchcock pour appréhender la lecture de ce roman écrit tout en justesse, sans un mot de trop.
Les grandes souffrances sont silencieuses, et patientes, dans le cas de l’héroïne de Nicolas Jaillet. Au soir de ses noces, Martine sait déjà que cette histoire de couple qui commence ne pourra pas marcher. Une rixe qui oppose l’un des convives à Jean, son époux, jette comme un sort sur la vie à venir. Naîtra un garçon, qui devient le narrateur de cette courte histoire, et seize ans passent. Le narrateur se souvient de sa vie en famille, à peine décrit-il les violences vécues par une mère et son fils, terrorisés par un père qui boit. A peine. Car dans La Maison (ed. de la Rue du départ), tout est écrit à l’aune de la pudeur des vies dures.
Il y a comme une gêne à se raconter, mais une maestria stylistique à retracer la tension dramatique dans les choses ordinaires. La mère du narrateur prépare quelque chose depuis de longues années mais personne n’a jamais rien soupçonné. Saisie par la description de son fils, elle lui reste ainsi qu’au lecteur, éternellement insaisissable, étonnante et mystérieuse. En reflet, l’image d’un homme, son mari, à qui l’on pardonne la violence car de jugement il n’y a point dans ce livre : Nicolas Jaillet s’est appliqué à décrire les lents mouvements du coeur qui décident du sens de la vie, au risque encore de sacrifier le petit garçon devenu narrateur. Impossible d’en dire plus sans déflorer ce vers quoi tout le livre tend. Et pourtant, rien que cette façon de raconter, épurée, «à l’os» façon Callet, fait de ce roman une petite merveille surprenante.
Les éditions havraises de la Rue du départ ont publié un roman coup de poing, et un très bel objet qui donne envie d’en savoir plus long sur l’auteur Nicolas Jaillet. Ancien comédien, celui-ci publie aussi bien pour les adultes que pour la jeunesse. Libre dans ses choix littéraires, il a publié un western en 2007 intitulé Sansalina, un Ulysse d’après Homère en 2012 chez Lito. On attend avec impatience la suite de ses aventures littéraires.
Karine Papillaud
La maison, Nicolas Jaillet, Ed. Rue du Départ, (2013)