Invitées du dernier salon du livre de Paris, les lettres japonaises présentent une étonnante diversité. Derrière les succès des mangas et d’Haruki Murakami, tout un monde à (re)découvrir.
Des files d’attente se forment devant les magasins. Pas pour se procurer le nouveau gadget technologique. Pour un livre. Voilà ce qui se produit au Japon lorsque Haruki Murakami publie un nouveau roman. 1Q84, sa dernière livraison, s’est écoulée à 4 millions d’exemplaires au pays du soleil levant, et à 400 000 en France. Le phénomène est mondial ; partout sur la planète, on s’arrache l’auteur au statut de rockstar des lettres. Ses œuvres sont pourtant exigeantes, avec une part de mystère onirique. Rien à voir avec les faciles romans à l’eau de rose qui caracolent souvent en tête des ventes. S’il constitue l’auteur japonais contemporain le plus connu, Murakami est l’arbre qui cache la forêt.
Une forêt de talents qui se caractérise par sa diversité, comme l’atteste le panel d’auteurs invités au salon du livre de Paris en mars dernier. Parmi ces derniers, on comptait un prix Nobel, Kenzaburo Oê, emblématique des romanciers d’après-guerre hantés par Hiroshima, mais aussi des créateurs aussi différents que des poètes spécialisés dans le haïku ou des best-sellers du manga, genre qui, depuis une génération, est devenu un produit culturel de consommation courante en France. Les amateurs de clichés (ou de classicisme) trouveront certes une abondante littérature remplie de cerisiers en fleurs et de kimonos dans le répertoire traditionnel. Mais pour comprendre le Japon contemporain, on s’intéressera plutôt à la jeune génération, notamment à Hideo Furukawa, à l’écriture à la fois survoltée et borgésienne, ou à Mieko Kawamaki, trentenaire, philosophe, rockeuse, actrice et lauréate du prestigieux prix Akutagawa. Leurs œuvres permettent de pénétrer sous la surface d’une société fascinante et très normée. C’est un important réservoir d’auteurs que le Japon invite à découvrir, notamment grâce au travail d’éditeurs comme Philippe Picquier (voir interview), spécialisé dans les lettres asiatiques.
Les auteurs nippons ont été marqués, comme tout le pays, par les catastrophes du 11 mars 2011. De la même façon qu’il existe une littérature post 11-Septembre aux Etats-Unis, fouillant, souvent avec brio, l’âme d’une nation traumatisée, on peut parier que Fukushima modifiera la trajectoire de la création japonaise sur le long terme. On peut saisir cet instant fragile en consultant L’Archipel des séismes, recueil de textes autour de la catastrophe. Ou encore Ce n’est pas un hasard, journal tenu sur le vif par Ryoko Sekiguchi dans les jours qui ont suivi Fukushima. Cette auteure japonaise installée à Paris écrit désormais en français. Preuve que les mondes lointains gagnent à être découverts.
Sur le même sujet :
Interview de Philippe Piquier, éditeur
Culture nippone
Littérature japonaise : engouement et séduction