
Il est la révélation des lettres américaines : en un seul roman, Junot Diaz a fracassé les codes littéraires et imposé un style inédit. La relève littéraire américaine a réglé ses comptes avec les icônes en cours, Faulkner, Mailer… ou Paul Auster.
En première ligne de cette nouvelle génération d’impertinents, Junot Diaz qui, après un premier recueil de nouvelles (Los Boys, traduit en 1998 sous le titre Comment sortir une Latina, une Black, une blonde ou une métisse), s’est vu propulser Prix Pulitzer 2008 pour La Brève et merveilleuse vie d’Oscar Wao, dans la foulée de Cormack McCarthy pour La Route (2007).
L’histoire de ce roman est celle d’un ado obèse d’origine dominicaine, dans une banlieue du New Jersey. Un « tachon » complexé, gavé de BD et de SF, qui ne rêve qu’à deux choses : devenir écrivain et avoir une petite amie. Mais le « fuku », c’est à dire la malédiction familiale, contrecarre ses projets, sous le regard ulcéré d’une mère infernale et ombrageuse et d’une sœur à fleur de peau. L’épopée tragico-burlesque des De Léon s’égrène ainsi au fil des pages, et des narrateurs qui se succèdent pour la raconter.
Derrière l’histoire affleurent les thèmes du métissage, du choc de l’immigration américaine, mais aussi de la violence faite aux femmes dans un Saint-Domingue régi par la corruption et la pauvreté. La magie de Junot Diaz se révèle dans une langue inouïe, un « spanglich », mi-anglais mi-espagnol mâtiné de verlan, bourrée d’exubérance, urbaine et rabelaisienne.
Coup de chapeau à Laurence Viallet, la traductrice, qui a su donner vie en français à la saveur sémantique d’un roman où l’on se fait « maraver par des saloperies de cailleux » après des soirées passées dans des « tourbillons de pasos, guapos et d’aftershave ». Si la langue est la patrie de l’écrivain, nul doute que les lecteurs piaffent déjà d’embarquer pour le prochain voyage en pays Diaz.
Karine Papillaud
La Brève et merveilleuse vie d’Oscar Wao, Junot Diaz (Plon), 2009