
Ils mettent le monde en cases pour le retranscrire au plus large, ouvrir ses horizons et faciliter sa compréhension. Depuis une vingtaine d’années, ces nouveaux reporters ont troqué l’appareil photo contre stylos, encres et pinceaux… Petite plongée au cœur du monde passionnant de la BD de reportage.
Depuis vingt et un ans, France Info la met à l’honneur avec un prix décerné, chaque mois de janvier, à son meilleur ouvrage. Son nom ? La BD de reportage.
Parmi la liste des lauréats, des chantres du genre se dégagent, des hérauts unanimement salués. Il y a d’abord le formidable Joe Sacco, Maltais émigré aux Etats-Unis, journaliste de formation, ce reporter de guerre, part en Palestine en 1992. De ce séjour de plusieurs mois, il rapporte la matière graphique de deux ouvrages passionnants et sensibles : Palestine, une nation occupée (Vertige Graphic, 1996) et Palestine : dans la bande de Gaza (Vertige Graphic, 1998). Au début des années 2000, il retourne sur le même territoire pour comprendre les massacres de Khan Younès et Rafah.
Ses sources ? Des archives, des témoignages et une plongée au cœur de l’histoire. En résulte le remarquable Gaza 1956, en marge de l’histoire (Futuropolis, 2010).
A ses côtés, d’autres figures distillent des bulles frottées au réel. Citons ainsi le dessinateur Emmanuel Guibert. Avec le reporter-photographe Didier Lefèvre, il a retranscrit le parcours de ce dernier, en 1986, dans les pas d’une équipe de Médecins sans frontières en Afghanistan, alors envahi par l’armée soviétique. Dessins aux traits dépouillés et clichés en noir et blanc se mêlent, avec une pertinence extrême, dans les trois tomes du Photographe (Dupuis, 2003, 2004 et 2006). Du Procès Colonna revu par Tignous (12Bis, 2010), des Ignorants d’Etienne Davodeau (Futuropolis, 2011), sur une initiation croisée à la BD et à la viticulture chez un ami vigneron, aux Chroniques de Jérusalem de Guy Delisle (Delcourt, 2011), Fauve d’Or du meilleur album 2012 à Angoulême, en passant par la Campagne présidentielle de Mathieu Sapin (Dargaud, 2012), la BD de reportage connaît un bel essor, qui élargit en retour le public « classique » du 9e art. En témoigne notamment la présence, en fin de chaque numéro de la revue XXI, d’un reportage BD, désormais tous réunis en un seul album (Grands reporters, 20 histoires vraies, Les Arènes, 2012).
Phénomène de mode, alors, la BD de reportage ? Plutôt un genre qui s’affirme.
En dehors des illustrations de presse, ses prémices seraient ainsi à retrouver dans les tribulations de l’Américain Robert Crumb, créateur de Fritz The Cat, avec ses plongées dans l’underground américain des années 1960-1970… Quant à son acte fondateur, il reste sûrement le fameux Maus d’Art Spiegelman (Flammarion, 1987), la narration de l’enfer de la Shoah vu par des souris, sacré Prix Pulitzer en 1992.
Plurielle, protéiforme, la BD de reportage s’inscrit dans une grande lignée d’ouvrages réalistes, où se côtoient pêle-mêle carnets de voyage, autobiographies, témoignages, essais historiques ou politiques… Mais surtout, sur ses pages, souffle un vent de liberté à coup sûr disparu de la presse traditionnelle. Au matraquage télévisuel, au flux d’information en continu, répond un riche dialogue entre textes et dessins, où l’auteur se met souvent en scène, pour narrer le monde avec une subjectivité assumée, un « partage du sensible », et parfois un tendre décalage… Ces auteurs racontent nos sociétés, en proposent une vision originale et essentielle. Tant et si bien que va paraître, sur Internet, un magazine numérique de reportage tout en bande dessinée : La Revue dessinée. Bonne nouvelle !
Sur le même sujet, découvrez l'interview de Guy Delisle
Bonjour,
Je vous conseille, quant à moi, la série "L'intruse" de Roannie- Oko ; les tomes 1 et 2 sont réunis dans le même ouvrage et ont comme sous-titre "Les palestiniens". Ce livre a pour objectif la lutte pour la recouvrance légitime des droits des palestiniens, et pour ceux que cela intéresse, le tome 3 "Les israéliens" et le 4 "Gaza, carnet de non-voyage". Sinon, Clément Baloup "Quitter Saïgon", mémoire d'un eurasien sous fond de guerre de Viet-Nam. Deux tomes, pour le moment, le 3eme est à venir.
C'est ma fille qui m'a fait découvrir cela, elle me les a rapportés du festival Albert Londres de VIchy.
Voilà, lisez-les, ils sont très intéressants.
Bonjour,
Je vous conseille les Carnets d'Orient de Jacques Fernandez qui retrace en deux cycles, les liens qui unissent Algérie et France, sans esprit partisan, à la manière d'un grand reporter avec beaucoup de rigueur intellectuelle et de précision dans les dessins.
Les deux ouvrages sont assez onéreux mais méritent le détour car à mes yeux, ils représentent des références d'une époque qui est la mienne mais dont je n'ai pas le souvenir.
Amitiés
JM