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"Je cherche à susciter des questions chez des gens qui ne s’en posent pas"

Interview d’Hugo Clément pour son livre "Comment j’ai arrêté de manger les animaux"

"Je cherche à susciter des questions chez des gens qui ne s’en posent pas"

On ne se refait pas : quand Hugo Clément, grand reporter à Konbini après l’avoir été dans les émissions de Yann Barthès, décide d’arrêter de manger de la viande, c’est forcément le fruit d’une enquête implacable et à rebrousse-poil, comme il aime les mener. Dans Comment j’ai arrêté de manger les animaux (Seuil), il raconte non pas un parcours intimiste, mais plutôt le processus intellectuel et informé qui l’a conduit à changer radicalement de vie. Tout le monde s’y retrouve, carnivores convaincus comme végétariens engagés.

Le livre est bref, mais dense : une partie soigneusement descriptive de l’éthologie des animaux de la ferme précède des enquêtes de terrain dans des abattoirs, chez des éleveurs, sur des chalutiers. Hugo Clément pointe la souffrance animale mais aussi celle des hommes qui travaillent dans l’élevage industriel, sur le terrain. Il rencontre également Olivier Falorni, un député très engagé dans la cause animale, porteur notamment du projet de vidéo-surveillance dans les abattoirs, finalement rejeté par l’Assemblée Nationale. Ethologie, économie agroalimentaire, politique et écologie, quatre approches qui convergent vers les mêmes questions sous la plume d’Hugo Clément.

Comment j’ai arrêté de manger les animaux est un livre très politique, qui ne laisse aucun lecteur indifférent et pour lequel nous avons rencontré l’auteur.

 

- Hugo Clément, vous avez arrêté de manger de la viande il y a un peu plus de deux ans. Un livre a joué un rôle déterminant dans cette décision, lequel ?

C’était Faut-il manger les animaux ?, de l’écrivain américain Jonathan Safran Foer (ed. de l’Olivier). J’avais déjà arrêté de manger de la viande, plutôt par défi, sans savoir ce que je mettais derrière cette décision mais je continuais à manger du poisson. Ce livre, que mon frère m’a offert, m’a permis d’affirmer davantage ce changement alimentaire, que j’ai rapidement étendu au poisson pour devenir tout à fait végétarien. J’y ai découvert l’ampleur d’un scandale que je ne mesurais pas tout à fait.

 

- Ce n’est donc pas une décision émotionnelle, mais rationnelle ?

C‘est à partir d’un enchaînement de faits, de chiffres et de données que j’en suis venu à cette décision. Je suis cartésien, j’aime me documenter et surtout connaître les sources de ce que je lis. Sans effort, on accède via internet à des milliers de données publiques et vérifiables, qui ne proviennent d’ailleurs pas de sites militants, et que je signale dans mon livre. 

 

- Par exemple ?

Outre des reportages que j’ai effectués in situ, comme l’infiltration de nuit avec des militants de Direct Action Everywhere dans un élevage industriel de porcs, des interviews de primatologues, d’éthologues, de députés ou d’ouvriers des filières d’abattage, je me suis aussi appuyé sur des informations fournies par la filière agro-alimentaire elle-même. Par exemple, 99% des lapins français sont élevés sans sortir de leur cage. Ou encore 95% des porcs, élevés en France ne foulent même pas le sol puisqu’ils sont élevés sur des caillebotis qui laissent passer leurs déchets,  et ne voient la lumière du jour que sur le chemin de l’abattoir. Du côté de la pêche, 1% des navires de pêche ratisse 50% des poissons de la planète, et 39% des espèces marines sont en décroissance ces 40 dernières années.

 

- Qu’avez-vous découvert sur les animaux que vous ignoriez ?

Une idée vertigineuse et simple : les animaux sont des personnes. Des personnes non humaines, mais qui ont un caractère, une personnalité, des émotions, des affinités dans leurs groupes sociaux. On ne mange pas lundi le poulet qu’on mangera le vendredi, ce sont des individus distincts avec des qualités propres. L'idée n'est pas extravagante, c'est celle que défend Yves Christen, le président de la société française de biologie.

J’ai pris conscience de l’intelligence des animaux qu’on destine à la consommation humaine, ainsi que de l’impact de ce que je mange sur l’environnement. Avant, je balayais d’un revers de main ces questions : je faisais ma part de tri sélectif, j’étais attentif à mes moyens de transports, au bilan carbone et je pensais que ces gestes du quotidien suffisaient. En réalité, la consommation de viande est le premier impact de l’homme sur l’environnement : ce n’est pas moi qui le dis, c’est la FAO qui est loin d’être une association militante pour les droits des animaux.

 

- Ce livre, Comment j’ai arrêté de manger les animaux, c’est pour vous une façon d’informer ou de militer ?

C’est un livre à mi-chemin entre le militantisme et l’information et je l’assume comme tel. Mais c’est avant tout un livre établi à partir de faits et de chiffres. Je ne me vois pas organiser des manifestations, bien qu’il soit essentiel que d’autres, comme L214, aient cette démarche. Ce n’est pas un livre moralisateur. J’ai voulu l’écrire pour dire : voilà ce que j’ai découvert, les données que j’ai collectées et que j’aurais aimé avoir à ma disposition pour me poser les bonnes questions. Ce que je cherche avant tout c’est susciter des questions chez des gens qui ne s’en posent pas. Mais ma démarche n’obéit à aucun jugement ni aucun prosélytisme.

 

 

- Au fond, c’est davantage un problème économique qu’une position idéologique, non ?

Les deux se rejoignent. Le problème c'est qu'il est quasiment impossible aujourd'hui d'échapper à la pêche, à l'élevage, et à l'abattage industriel. Même si vous achetez de la viande bio chez votre boucher, en y mettant le prix, cette viande sera passée par les mêmes abattoirs et les mêmes horreurs que la viande issue de la filière conventionnelle. La pêche dite responsable, menée par de petits chalutiers entraine, elle aussi, des dégâts importants. Les poissons pris dans leurs filets souffrent comme les autres, et ce chalutage "made in France" participe également au drame environnemental. Par exemple, des milliers de dauphins meurent chaque année dans les filets des petits chalutiers de notre pays. A moins de pêcher et d'élever soi-même ses propres animaux en petite quantité, il est impossible d'échapper à la viande ou au poisson issus de ce système dévastateur. 

 

- Pensez-vous qu’un livre peut changer les choses ?

Les changements ne viendront évidemment pas de l’industrie elle-même, mais du consommateur. Si les Français modifient significativement leurs modes de consommation, alors les industriels prendront acte. A chaque fois qu’on achète quelque chose, on commet un acte aussi impliquant qu’un vote. C’est de cette façon qu’on peut influencer les industriels de la viande et de la pêche. L’évolution du traitement animal viendra de la modification des usages alimentaires. En parlant de ma propre démarche et en l’étayant d’enquêtes journalistiques mises à disposition du lecteur, j’espère contribuer à ma façon à un salutaire changement de mode de vie.

 

Propos recueillis par Karine Papillaud

 

A lire aussi :

La Face cachée de nos assiettes, L214 et Eyes on animals (Robert Laffont)

C’est le premier livre d’un collectif transgressif qui montre depuis dix ans et sur tous les réseaux sociaux, le scandale de la souffrance animale en France comme en Europe. Un livre fait d’une colère saine et de nombreux faits implacables qui passe au karcher les politiques publiques influencées par les lobbies, les multinationales et la malbouffe.

 

Ça commence par moi, Julien Vidal (Seuil)

Pendant un an, l’auteur a testé une action éco-citoyenne par jour. 365 mises en œuvre, des solutions écologiques… qui font aussi faire des économies.

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