
Né en 1979, Hugo Boris est diplômé de l’Institut d'Etudes politiques de Bordeaux et de l'Ecole nationale supérieure Louis-Lumière.
Trois grands fauves est son troisième roman.
Après avoir écrit « Trois Grands Fauves », pouvez-vous désormais définir « un grand homme » ?
C’est une question très difficile. Avec ce livre, j’ai essayé de tisser une filiation imaginaire entre Danton, Hugo et Churchill, de les juxtaposer, de peut-être toucher de loin ce qu’était un grand homme. Ce qu’ils ont en commun ? D’avoir échappé à la mort très jeune et d’y avoir puisé une folie et une extravagance presque méthodiques, plutôt que de la simple sagesse. Cela leur donne une énergie folle, qui les rend presque monstrueux, et leur engagement, du coup, devient très radical. Donc, ce qu’on retrouve chez les grands hommes, c’est une part de sauvagerie humaine, presque oubliée. Comme si, chez eux, le masque de la civilisation se craquelait. Une autre conclusion que je pourrais tirer du livre, et qui pourrait s’appliquer aux grands hommes, c’est également ce besoin effréné d’être aimé et admiré, alors qu’eux-mêmes sont souvent incapables d’aimer.
Par qui avez-vous commencé pour écrire ces trois biographies croisées ?
Tout est parti de Danton, il y a treize ans. Je préparais alors les concours pour entrer à Louis Lumière, et je me souviens très bien avoir eu une crise d’hypoglycémie, qui m’a amené à divaguer sur le thème : « Quelle était la plus grande ironie de la vie ? Etre tiraillé par la faim, sur le chemin de l’échafaud ». J’ai fait ensuite l’association avec Danton, et je lui ai consacré une nouvelle. Le plus étonnant, c’est que, dès le départ, ce texte m’a donné envie de le prolonger. Intuitivement, j’ai pensé à Churchill et Victor Hugo. Puis, je me suis documenté de temps en temps, tout en me consacrant à mes autres romans. J’ai vraiment commencé à écrire il y a trois ans, après « Je n’ai pas dansé depuis longtemps », un livre qui m’avait vraiment dépaysé, et dont j’avais du mal à sortir, quitte à rentrer dans une sorte de dépression littéraire. C’est me remettre sur « Trois Grands Fauves » qui m’a permis d’avancer...
Ce qui est vraiment étonnant, c’est que votre enquête a fini par valider votre intuition : prendre ces trois personnalités faisait sens...
Exactement. Depuis qu’on m’interroge sur le livre, j’en parle comme d’un tout cohérent. Mais c’est une réelle imposture. Pendant toute la rédaction, le sens m’échappait et il ne s’est révélé qu’à la fin. En réalité, j’ai compris que ce qui réunissait ces trois personnalités, c’est mon propre rapport à la mort. Indirectement, mes pensées m’y ramènent toujours. Une anecdote, assez ridicule, le montre bien : je suis obsédé par le fait que mon livre soit envoyé au dépôt légal, ce qui fait bien ricaner mon éditeur. Comme si je ressentais le besoin de dépasser la mort en laissant une trace.
Trois Grands Fauves, Hugo Boris, éd. Belfond.