
Après la rencontre qui s'est déroulée au café littéraire d'Orange le 07 octobre 2014, Emmanuel Grand nous a accordé une interview. Entretien avec un auteur dont Terminus Belz est le premier roman.
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- Terminus Belz (ed. Liana Levi) est votre premier roman. Pourquoi avoir choisi le polar ?
J’avais envie d’écrire une histoire qui soit construite comme un édifice. Quand j’étais petit, j’adorais me lancer dans des meccanos compliqués, j’aimais bricoler, faire avec les mains des choses un peu difficiles. J’ai donc été attiré par l’architecture complexe du polar. Et si vous me demandez pourquoi j’écris, au sens plus large, je vous répondrai que j’avais envie de parler de personnages, m’emparer de lieux, passer des idées sur la condition des pêcheurs, dénoncer ce qui me préoccupe aujourd’hui, aussi. Tout cela est arrivé par strates, jusqu’à l’ écriture du livre proprement dite.
-Il y a une composante sociale très affirmée dans ce livre. La littérature a-t-elle une fonction et comment l’exercez-vous ?
Je suis très gêné de donner des directives ou des règles. Je suis trop jeune dans le métier et je crois qu’il s’agit davantage de fait d’individualités, de créateurs qui ont des projets différents. On ne peut pas dresser des catégories. Pour le livre que j’ai écrit et celui que je suis en train de rédiger, il est indispensable de répondre à plusieurs éléments inscrits dans le contrat « polar » : une intrigue de la première à la dernière page, des personnages crédibles qui existent par eux-mêmes, et puis un projet, une volonté, une révolte qui soient véhiculés dans le texte. Un roman porte toujours une vision du monde.
- Pouvez-vous nous parler de votre manière d’appréhender l’écriture d’un roman ?
Je travaille toujours en deux temps. D’abord la préparation, je passe beaucoup de temps sur l’histoire, les personnages et les liens qui les unissent, les rebondissements, la planification de l’enchevêtrement entre les intrigues. J’ai besoin de me documenter précisément et de structurer sur papier avant de me lancer dans la phase d’écriture. Ensuite, donc, l’écriture qui se caractérise quant à elle par une grande liberté. Je fais abstraction de tout le travail préparatoire pour me consacrer à donner vie aux personnages et aux scènes.
- Que retenez-vous du travail avec votre éditrice ?
Il faut donner toute sa confiance à un éditeur. On met dans ses mains un travail très précieux à nos yeux d’écrivain : Terminus Belz a représenté trois années de travail, une énergie, une volonté, un amour énorme. L’éditeur, qui a été extérieur à toute cette préparation, va émettre un avis sur votre manuscrit et vous amener à le retravailler pour n’en garder que le meilleur. Cela se solde en général par une belle réduction du texte !
La démarche pour se faire éditer passe par une certaine abnégation : il s’agit d’amener un objet intime, le livre, à devenir un objet partagé, avec le plus grand nombre si possible. C’est ce que je dis à la toute fin des remerciements du livre : c’est le lecteur qui doit finir le travail, il doit s’approprier le livre et animer les personnages.
- Vos influences, votre filiation se situent dans le polar ou la littérature dite blanche ?
Je ne sais s’il s’agit d’influences à proprement parler, mais j’admire les grands classiques de la littérature : Madame Bovary de Flaubert, Voyage au bout de la nuit de Céline, La Vie devant soi de Romain Gary, A la Recherche du temps perdu de Proust. Ce sont pour moi les grands inventeurs de la langue. Dans le polar, je retiens surtout Simenon, pour sa capacité à planter des décors et quelques Américains parce que j’aime chez eux le sens et la maîtrise de l’histoire. La musique, d’une certaine façon occupe une place importante dans mon rapport à l’écriture. Quand j’écris, je relis à voix haute et j’écoute si les phrases sonnent, si elles sont mélodiques. Ce qu’on fait systématiquement quand on joue d’un instrument. Ma pratique de la musique a influencé ma façon d’écrire. Mais j’écris dans le silence !
- Un nouveau roman ?
J’écris actuellement un polar qui n’est pas une suite à Terminus Belz et que mon éditrice attend pour bientôt. L’histoire se passera dans un lieu fort qui a une capacité à devenir un personnage à part entière du roman. Car ce sont les lieux qui sont, chez moi, les points de départ de l’écriture.
- Pourquoi ?
Sans doute parce que je suis un observateur du monde. Le monde est riche. Chaque détail compte. Chaque lieu est chargé d’histoire, chaque humain une énigme à déchiffrer. J’aime prendre le temps de regarder, de comprendre, pour tenter ensuite de restituer dans l’écriture les rapports entre les personnages, leurs sentiments, mais aussi les sensations, les odeurs, le toucher... J’aime l’idée d’une écriture sensuelle.
Propos recueillis par Karine Papillaud