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Interview de Violaine Gelly, auteure de Charlotte Delbo

Une résistante au Panthéon ?

Interview de Violaine Gelly, auteure de Charlotte Delbo

 

Lecteurs.com, partenaire du Salon du livre de Paris du 21 au 24 mars 2014. Retrouvez toute la programmation du Salon ici.

Violaine Gelly, journaliste et Paul Gradvohl, historien ont, pendant trois ans, mené une enquête minutieuse sur la vie de Charlotte Delbo (10 août 1913 - 1er mars 1985), dont le nom figure sur la liste des femmes panthéonisables.
Cette biographie, s'inscrit dans l'année du centenaire de la naissance de Charlotte Delbo.

 

 

 

 

 

 

Pourquoi avoir voulu  écrire la biographie de Charlotte Delbo ?
Début des années 90, je découvre par hasard l'œuvre littéraire de Charlotte Delbo, à travers sa Trilogie. Je tombe en amour pour cette écriture et cherche à mieux connaître l'auteur. Rien. Je ne trouve rien. Ces questions sans réponse que je me pose me taraudent pendant de longues années. Début des années 2000, je décide de chercher plus avant et me rapproche de l'ayant droit et plus vieille amie de Charlotte, Claudine Riera-Collet. Dépositaire de la mémoire de Charlotte, elle m'explique dans un premier temps vouloir écrire elle-même la biographie de Charlotte, puis me propose une coécriture, que je refuse. Le temps passe et en 2010 elle me donne son feu vert et m'ouvre les archives personnelles de Charlotte Delbo.

Comment se joue cette partition à quatre mains ?
Paul a apporté son regard et ses compétences d'historien. Un regard essentiel car nous menions un travail sur la vérité. Or, les nombreuses raisons pour caviarder des documents justifient la méfiance vis-à-vis des archives. Ainsi les archives communistes ou celles de la police, sont rendues présentables et expurgées, pour de bonnes ou de mauvaises motivations, comme protéger quelqu'un.
Entre 2010 et 2012, Paul a mené l'essentiel du travail d'investigation et de vérification sur les archives. De mon côté je rencontrais tous les témoins pour nourrir le portrait, comprendre le caractère de la femme et découvrir sa vie personnelle, sur laquelle elle était assez discrète dans son œuvre. Paul intervenait ensuite pour vérifier ce que les témoins rapportaient et tout ce que qui était vérifiable l'a été. Quand la vérification se révélait impossible nous le précisons.

Comment ressort-on de cette immersion ?
On n'en sort pas ! J'ai vécu avec Delbo, rêvé avec Delbo. J'étais totalement habitée par elle, donc par Auschwitz. Cette plongée dans la vie de Charlotte était mortifère, la mort rôdait, la survie était déjà une victoire.
Quand le travail de recherche a été fini, j'ai écrit d'une traite, et ai compris comment Charlotte avait pu écrire en quinze jours Aucun de nous ne reviendra. Mais paradoxalement, c'est aussi Charlotte qui m'a aidée à sortir de cette pesante atmosphère. Parce qu'elle était une femme vivante et drôle, capable d'autodérision et d'impertinence. Par exemple, quand elle proposait à son neveu, bien après la guerre "Allons voir les pingouins à Vincennes, ils me rappellent l'appel à Auschwitz". C'est cet humour qui lui a permis de  sortir vivante.

Comment le livre vit-il ?
Notre ambition était de faire lire Delbo. Elle était  doucement en train de disparaître du paysage littéraire. Cette biographie fait parler d'elle et donc de son oeuvre littéraire, qui connaît un nouvel engouement. En outre, Delbo porte un regard de femme sur la déportation dont la mémoire est quasi exclusivement portée par la parole des hommes.
Par ailleurs, j'ai recontré la commission du Panthéon qui souhaite panthéoniser une femme résistante. Pour moi, Delbo est la meilleure candidate, car elle a transformé l'expérience du pire en littérature et que seule la littérature a le pouvoir de survivre au temps.

Propos recueillis par Agathe Bozon

Charlotte Delbo, Violaine Gelly & Paul Gradvohl, Fayard, ( 2013)

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