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Interview de Sophie Dieuaide, auteure de livres pour ados

Mêler écriture et image

Interview de Sophie Dieuaide, auteure de livres pour ados

 

Sophie Dieuaide est arrivée à l'écriture par hasard, en inventant des histoires à son fils, qui lui réclamait des "histoire marrantes". C'était il y a dix-sept ans. Peu à peu, des personnages récurrents se sont imposés, notamment Les Papooses (enfants en sioux), qui ont donné naissance, des années plus tard, à la BD éponyme. Avec "Pensées de Manon D." et "La vie rêvée ou presque de Manon D", Sophie Dieuaide, mêle habilement l'écriture à l'image dans un genre nouveau.

 

 

 

 

 
Comment écrivez-vous et d'où vous vient cette liberté de ton et de structure narrative ?
Avant d'écrire je parle et je peux dire que grâce à mon fils, auquel j'ai raconté des centaines d'histoires, je suis très entraînée. 
Pour mes premiers livres, je ne notais que ce qui fonctionnait à l’oral. Même si aujourd'hui je passe moins par la parole, je travaille toujours les passages difficiles et les dialogues de cette façon. 
La liberté de structure narrative est liée au personnage. Manon écrit une sorte de journal, donne son avis, ses opinions. C’est sa personnalité qui m’impose la structure. Elle est touche-à-tout, elle est changeante, elle digresse beaucoup. Pas le choix, je saute du coq à l’âne, je déprime et je m’enthousiasme et je digresse.
 
Comment faites-vous pour avoir ce ton si crédible, qu'on en oublie que le roman a été écrit par une adulte ? 
Cela passe par le vocabulaire, mais pas seulement. Je pense qu’il faut inventer si précisément son personnage qu’ensuite ce qu’il dira ou fera devient une évidence. Ses spécificités sont une preuve qu’il « existe » Pour le définir, avant l'écriture, je procède à un important travail sur le personnage, que je construis par cercles concentriques. Au centre je place le personnage, sur le premier cercle ce qui est le plus important pour lui, par exemple sa console ou sa grand-mère adorée. Sur le deuxième cercle il y aura les parents, un copain et un ennemi. Ensuite je dois veiller à rester cohérente dans le niveau de fréquence de présence des personnages et objets importants. Si je suis cohérente, je suis crédible.
Dans le cas de Manon, qui a quatorze ans, il m'a fallu faire un travail de projection sur les préoccupations et les pensées des adolescents, en même temps qu'un travail sur son langage. 
 
Où puisez-vous votre inspiration et au-delà comment se construisent vos personnages ? 
Je m'inspire beaucoup de mon quotidien. Prenons un exemple dans la vraie vie. Je sors de mon bureau et je crie aux enfants : "Le linge, il descend tout seul ?"  Dans la minute qui suit, je retourne dans mon bureau et je réécris la scène, en me mettant à la place de la mère, plus douce que moi, qui appelle Manon. Ce qui est amusant c’est que je vais devoir me mettre aussi dans la peau de Manon qui ne voit vraiment pas où est l'urgence et peste après sa mère. 
Écrire me calme. Je vis différemment dans les livres tout ce qui m'énerve au quotidien. Ce passage par l'écriture impose de se mettre vraiment à la place de l'autre, ce qu'on n'a jamais le temps de faire dans la vie. 
 
C'est une forme de schizophrénie salutaire ? 
Sans doute. En tout cas, écrire m’a changée. J’apprécie presque mes défauts et les défauts de mon entourage puisqu’ils nourrissent la personnalité de mes personnages : amis, familles… ils se reconnaissent d'ailleurs. 
 
"Pensées de Manon D." et "La vie rêvée ou presque de Manon D" sont très originaux, donnant une place importante au graphisme. Comment travaillez-vous ?
Je les écris comme vous les avez lus. Dans cet ordre, si je peux dire. L’idée est que le dessin s'impose quand il est plus clair qu'un texte, quand montrer est plus simple que dire. Mes dessins ne sont d'ailleurs pas du tout des illustrations, ils ne mettent pas en lumière le texte. Ils soulignent, ils décalent, ils perturbent la lecture. 
"Manon D." est sorti en format numérique animé, comment y avez-vous travaillé pour exploiter au mieux les possibilités offertes par l'animation
Dès le départ, "Pensées de Manon D." devait être un livre numérique animé, avant même de penser à une édition papier. J’ai travaillé sur une mise en page adaptée pour être lisible sur un téléphone. Ce n’est pas seulement un livre « numérisé », je voulais qu’il ait un plus par rapport à l’édition papier. Certains dessins, par exemple, sont animés. Certains textes s’écrivent sous les yeux du lecteur. Les éditions Casterman ont fait un travail complexe et coûteux, mais l’édition numérique a une vraie valeur ajoutée.  
 
Manon va-t-elle grandir et la suite est-elle déjà prévue ?
Pour le moment Manon prend en moyenne trois mois toutes les 250 pages. Je ne sais pas encore quelle direction l'histoire prendra, mais une suite me tente puisqu'à la fin du deuxième volume, Manon a inscrit sa mère sur Meetic. Pour info, j'ai vraiment inscrit Suzanne (la mère de Manon) sur Meetic. Je surveille les réponses et les "flashs" qu'elle reçoit, ce qui me permet d'engranger une matière réaliste que je n'aurais jamais imaginée. Alors oui, Manon grandira peut-être… lentement.
 
Propos recueillis par Agathe Bozon
 

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