
Ancien superflic passé par toutes les brigades (antigang, antiterrorisme, stupéfiants), devenu responsable de la sécurité du groupe Accor et pilote du projet Autolib’, René-Georges Querry, dit Jo, projette toutes ses vies dans un livre plein d’anecdotes sur les grandes affaires de police de la fin du XX e et du début du XXI e siècle, de la fin de Jacques Mesrine à l’arrestation de DSK. Rencontre.
Au début de votre livre, il y a une phrase qui interpelle : « Je n’ai jamais eu la fibre policière ». Au vu de votre carrière, c’est un peu paradoxal, non ?
Ce que je voulais dire par là, c’est que je ne rêvais pas, enfant, d’entrer dans la police, à l’inverse de mon frère qui avait toujours voulu faire Saint-Cyr et est devenu général de gendarmerie. Au début de mes études, je ne savais pas vraiment quoi faire et je me suis orienté vers le droit, un peu par défaut. C’est en licence que les opportunités données à un commissaire m’ont paru plus réjouissantes que la magistrature, un peu trop statique : en étant commissaire, je pouvais être sur le terrain, et c’est à partir de ce moment là que j’ai commencé à avoir la fibre, justement.
Si vous deviez isoler une affaire, en dehors des cas spectaculaires que vous détaillez dans le livre (Mesrine, Action directe…), laquelle retiendriez-vous ?
Il y en a deux. La première, c’est une grande réussite dans mon passage à la PJ, une affaire d’enlèvement – je ne me souviens plus de l’année. Trois salauds avaient enlevé une femme et menaçaient de la tuer : on a fait parfaitement notre boulot. En quelques jours, on a arrêté les ravisseurs et libéré la jeune femme. La deuxième remonte à mon expérience à la brigade des stupéfiants. Nous avions identifié un grand revendeur et commencé à arrêter ses clients. Parmi ceux-ci, il y avait un gamin de 18 ans qui consommait beaucoup. Il s’en est tiré à bon compte, mais nous l’avons bien sermonné. Six mois plus tard, son père est venu me voir et m’a fait cadeau d’un tableau à l’encre de chine : c’était son fils qui l’avait fait. Il avait arrêté de se droguer pour se mettre à la peinture. Cette toile, cela fait trente ans qu’elle est installée dans ma cuisine, pour me rappeler qu’on peut sauver des vies...
Justement, à la brigade des stupéfiants, vous avez du arrêter un autre Joe, Dassin... Il vous a même invité à déjeuner !
Tout à fait. C’était un peu le même dispositif, d’ailleurs : nous avions pisté un gros intermédiaire qui vendait de la cocaïne par centaine de grammes à des clients bien choisis. Parmi eux, nous avons vu arriver, même pas grimé ou masqué, Joe Dassin, avec sa compagne. Nous avons été obligés de les arrêter, ils n’ont d’ailleurs opposé aucune résistance. Il avait 200 grammes sur lui, ce qui est conséquent, mais il s’est vite avéré que c’était pour sa consommation personnelle : il partait en tournée, il s’agissait de sa réserve. Du coup, nous avons décidé de ne pas ébruiter l’affaire : je suis même allé voir les journalistes accrédités au 36, quai des Orfèvres pour leur demander de ne pas en parler – nous allions leur offrir des affaires bien plus importantes à raconter ! Et effectivement, quelques mois plus tard, il m’a invité à déjeuner pour me remercier. J’avais toutes les raisons d’accepter : ce n’était pas un voyou. En plus, j’étais assez fan de son travail... Je lui ai même fait dédicacer quelques albums !
De Mesrine à DSK. Les vérités d’un grand flic, Jo Querry, éd. Jean-Claude Gawsewitch, (2013)