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Interview de Laurent Beccaria, co-fondateur de XXI

Sortir du présent perpétuel

Interview de Laurent Beccaria, co-fondateur de XXI

Co-fondateur, avec le grand reporter Patrick de Saint-Exupéry, de la revue XXI lancée en 2008, et de sa petite sœur photographique Six mois, l’éditeur Laurent Beccaria revient sur la conception de ces premiers-nés de la génération « mooks » et nous parle de leurs successeurs. Rencontre.

 

 

  

 

A la tête de XXI et de Six Mois, vous faites office de pionniers des « mooks »… Mais que pensez-vous de ce néologisme ?
Pour moi, ce vocable, utilisé à l’envi par les médias, reste une trouvaille marketing pour désigner cet objet intermédiaire entre livre et magazine, alors qu’il existe un mot adapté, vieux comme le monde : la revue. Utilisé dans ce contexte, le mot « mook » cache un artifice, une supercherie…

Sur quelles idées avez-vous lancé l’aventure XXI, dont le premier numéro sort en 2008 ?
XXI
repose avant tout sur la rencontre de deux mondes, celui de la presse et de l’édition, incarnés par deux hommes : Patrick de Saint-Exupéry, grand reporter depuis vingt-cinq ans, prix Albert-Londres, et moi-même, éditeur depuis vingt-cinq ans (NDLR : directeur des éditions Les Arènes). Il s’inquiétait de la disparition du genre « reportage » au sein de médias, toujours plus soumis au flux ininterrompu des informations, à l’actualité chaude, à peine survolée ; quant à moi, je déplorais dans l’édition le recul des « essais et documents » (témoignages, biographies exceptionnelles, grands écrits journalistiques…) au profit de bouquins à « scandale » hâtivement écrits et dépassés en quinze jours, liés à ce cycle d’infos effréné. En discutant, en confrontant nos aspirations et nos frustrations, nous avons décidé de monter ce projet hybride, qui garde de l’édition, une publication soignée, esthétique, l’absence de publicité, et de la presse, le goût d’une structure efficace, avec des rubriques et l’idée de raconter le monde. Nous souhaitions explorer notre époque, en dehors de ce présent perpétuel, prôné par le monde médiatique…

Dès vos débuts, vous avez rencontré un beau succès, contre tous les oiseaux de mauvais augure qui annonçaient votre prompte disparition. Comment l’expliquez-vous ?
Notre point de rentabilité se situait à 25 000 exemplaires… Nous l’avons vite atteint : pari gagné ! Plein de raisons expliquent notre succès, comme elles auraient pu, à l’inverse, nourrir un échec… Je crois pourtant que le motif principal de notre succès tient à nos obligations de qualité élevée, ce qui implique des rémunérations d’auteurs/journalistes/dessinateurs à la hauteur de nos ambitions. Nous ne pouvions, comme certains de nos successeurs, ou certains employeurs de la presse classique, nous contenter de bouts de ficelles, de fabrication d’info à la va-vite. Notre valeur ajoutée reste notre excellent rapport qualité-prix. XXI a ouvert une brèche et suscité beaucoup d’émules…

En êtes-vous fiers ou cela vous agace-t-il ?
Depuis cinq ans, nous savourons chaque jour notre bonheur d’avoir su nous imposer, tant par XXI que par Six Mois. Pour autant, nous ne sommes détenteurs d’aucun concept : il existait avant nous, perdurera après. Je serais fier si des successeurs pertinents apparaissaient et se montraient à la hauteur de leurs ambitions. Dans nos émules, je distingue trois cas, hormis l’exception France Culture Papier, qui relie l’écrit à la radio :
1) Des jeunes de 25 ans, qui lancent des projets originaux et assez pertinent (Usbek & Rika, Feuilleton…).
2) Des passionnés qui publient des revues sur leurs marottes (Alibi sur le polar, Schnock…).
3) Ces « photocopieurs » opportunistes, du style We Demain ou Long Cours, qui surfent outrageusement sur la vague, pompent nos éditos… En marketing, cela s’appelle du « Me-Too-Product ». Dans ce panel, il y des parutions intéressantes, de bonne facture, dotées de qualités esthétiques… Mais, hélas, je déplore globalement un manque d’ambition éditoriale, un bricolage assez éloigné de leurs visées initiales… C’est regrettable.

Sur le même sujet :
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