
Journaliste au « Figaro Magazine », Katia Clarens pratique le grand reportage en immersion. Elle en tire des livres édifiants sur les enfants soldats en Afrique ou sur le quotidien à Gaza.
Quel est votre parcours ?
Je suis journaliste depuis dix ans au « Figaro Magazine ». Avant, j’ai été pigiste pendant cinq ans pour différents journaux. Je suis reporter : une profession assez transversale, où l’on voyage beaucoup.
Quels types de sujets couvrez-vous ?
Des conflits au Liban, en Afghanistan, à Gaza... Et aussi des catastrophes : le tsunami de 2004, l’ouragan Katrina à La Nouvelle-Orléans, le tremblement de terre en Haïti. Dans ces moments, on regarde le monde dans sa face la plus sombre. Mais il y a aussi de très beaux éclats de vie lors de ces événements-là. De très belles choses surgissent au milieu du chaos et donnent la force de continuer. Sinon, on changerait de métier.
Le passage au format livre, est-ce parce qu’un simple article de presse n’est pas suffisant pour exprimer le réel ?
On couvre des régions avec des enjeux politiques, mais c’est l’aspect humain qui m’intéresse le plus. Parfois, on trouve une histoire qui mérite un format plus long. Cela part toujours d’une rencontre. J’en discutais récemment avec d’autres reporters : les plus belles expériences, on ne peut pas les écrire dans nos papiers, faute de place. Dans un livre, on peut raconter les coulisses, ce qu’on ne raconte jamais ailleurs.
Et ce n’est pas la même temporalité…
Quand on écrit sur le coup, on est en train de vivre une situation au jour le jour, on ne sait pas de quoi demain sera fait. Le luxe dans ce métier, c’est d’avoir le temps d’enquêter et d’écrire. Il y a une frustration avec l’actualité, qui n’existe pas avec le livre dans lequel on s’arrête lorsqu’on a tout dit.
Comment est né votre livre « Une saison à Gaza » ?
J’ai rencontré une famille pendant la guerre en 2009 à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza. Nous sommes rentrés dans une relation forte ; ça crée des liens d’échapper aux bombes ensemble. Je suis revenue plusieurs fois à Rafah ensuite. J’avais donc un accès privilégié dans une société très fermée. J’ai découvert le quotidien, la sensation d’enfermement, la lutte pour rester digne dans la plus grande prison à ciel ouvert du monde. Je trouvais cela émouvant. Le livre, c’était un moyen de redonner une parole à ces gens-là.
Parlez-nous de votre méthode de travail…
Je tire le fil. Plus on avance, plus on découvre de nouvelles choses. A Gaza, les cinq mois sont passés très vite, entre les clans politiques, les groupes armés, la dictature du Hamas, pour comprendre le fonctionnement de ce territoire. J’ai aussi pris le temps de vivre normalement, d’aller au marché, de marcher pendant des heures, d’être présente dans cette famille.
Quelles sont les principales difficultés sur le terrain ?
C’est quand on veut enquêter et que les portes se ferment. Le risque physique existe aussi : cela fait partie du métier.
Et les difficultés dans l’écriture ?
Dans ce cas, je voulais que le livre soit accessible à tout le monde. J’étais obligée de parler d’histoire et de politique pour faire comprendre la situation, mais il ne fallait pas que ça devienne indigeste. L’exercice consiste à garder la fluidité, pour que l’ouvrage se lise comme un roman.
Vos modèles d’écriture journalistique ?
Joseph Kessel, Albert Londres, Ryszard Kapuscinski…
La fiction vous tente ?
Oui, j’y travaille. C’est une autre approche, plus angoissante. Un regard intérieur. Il faut puiser dans sa réserve personnelle, alors que le reporter puise dans celle des autres.
J’étais enfant soldat, Avec Lucien Badjoko. Ed. Plon, (2005)
Une saison à Gaza, Ed. JC Lattès, (2011)
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