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Interview de François Forestier, romancier et nègre littéraire

Je me mets au service des autres

Interview de François Forestier, romancier et nègre littéraire

 

Romancier, plume du Nouvel Obs, biographe à succès (son Marilyn et JFK s’est écoulé à 60 000 exemplaires), François Forestier est aussi l’un des nègres littéraires les plus prolifiques de France. Explications. 

 

 

 

 

 

 

Comment vous avez commencé ?
J’écrivais déjà sous ma propre signature. Un jour, un éditeur pour lequel je travaillais m’a demandé un coup de main pour adapter un feuilleton. C’est parti comme ça. 

Et depuis, vous êtes très prolifique?
J’ai écrit une soixantaine de livres comme nègre. J’adore les qualités qu’il faut pour ça : travailler vite, sous la pression. Il m’est arrivé d’écrire un livre en quatre jours. En général, ça me prend un mois. Je n’ai pas envie de passer six mois sur un bouquin qui n’est pas de moi. Pour l’instant, personne ne s’est jamais plaint de mon travail.

C’est une activité satisfaisante ?
Ecrire, je ne sais faire que ça. Ça me convient très bien. Etre nègre, c’est relativement bien payé. Ça représente une bonne moitié de mon activité. 

Est-il important que votre nom soit mentionné ?
Non, ça ne m’intéresse pas. En général, les nègres littéraires ont deux exigences : le crédit et l'argent. Je n’ai pas besoin du crédit. Je me mets au service des autres.

Vous avez une méthode précise ? 
Il y a plusieurs cas de figure. Quand il s’agit de romans, les auteurs  me fournissent un canevas de une ou dix pages, parfois une simple idée. Je trouve ça étrange de vouloir faire un roman si on ne l’écrit pas, mais bref. Quand ce sont des documents, on va voir la personne pour l’interviewer avec un magnétophone. Avec une vingtaine d’heures d’entretien, on est tranquilles. Ça demande beaucoup de concentration, c’est très dense. A la fin de la journée, on est rincé. Et on retranscrit à notre sauce. On me demande aussi parfois de remettre d’équerre des livres écrits par d’autres. Des livres théoriques, des essais philosophiques, des bouquins sur la publicité ou la plongée sous-marine… 

Le livre dont vous êtes le plus fier ?
Je ne peux pas vous le dire. Il est actuellement en librairies.

Celui dont vous êtes le moins fier ?
Le pire cas pour un nègre, c’est d’avoir à faire un livre pour quelqu’un qui se prend pour un auteur. Il m’est arrivé d’avoir des déconvenues. Des gens qui essayent de vous apprendre à écrire alors que ce n’est pas leur métier. Si je fais un livre pour un médecin, je ne vais lui donner des conseils sur la façon d’opérer. 

Il vous arrive de refuser des commandes ?
Parfois,  parce que je suis trop occupé. J’ai écrit un papier dans l’Obs sur mon activité. Après sa parution, j’ai reçu un abondant courrier de gens qui voulaient que j’écrive leur bouquin : des handicapés, des chercheurs d’or, un peu de tout. 

Tous ces parcours que vous devez retranscrire, ça vous nourrit comme auteur, pour vos propres ouvrages ?
Non, mais ça nourrit mon petit cirque personnel. J’ai appris sur la drogue en faisant le livre d’un toxico, j’ai appris sur la mer avec un navigateur, sur la musique avec une chanteuse. On pénètre des univers différents, ça fait des anecdotes à raconter. 

Vous vivez des vies par procuration ?
Non, ma vie c’est les livres. Je dois avoir 50 000 bouquins. J’en commande quatre ou cinq et j’en lis un ou deux par jour. Vous savez, je suis un enfant d’immigrés. Le français n’est pas ma première langue. Quand j’étais enfant, nous n’avions rien, pas de frigo, pas de téléphone. Les premiers bouquins que j’ai eus étaient mes trésors. C’était tout ce que j’avais et j’ai bâti ma vie autour. J’espère que je mourrai dans ma bibliothèque. Parce que ma bibliothèque, c’est mon paradis. 

 

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