Ecrivain à succès, David Foenkinos s’est essayé à l’aventure cinématographique l’an dernier, en adaptant son roman La Délicatesse, avec son frère Stéphane. Rencontre.
Comment s’est monté le projet du film La Délicatesse ?
Le livre est sorti à la rentrée 2009. Mon frère, avec qui j’avais déjà réalisé un court métrage il y a cinq ans, intitulé Une histoire de pieds, m’a dit : « C’est ça qu’il faut qu’on fasse ». Je me suis dit que je n’avais pas fini mon histoire avec cette histoire. Et je me suis attelé à l’écriture du scénario.
C’est compliqué de réécrire son propre travail ?
J’ai écrit des scénarios pendant dix ans, des projets avec Klapisch ou Doillon. On m’avait déjà proposé plusieurs fois de scénariser mes romans. J’avais toujours refusé de le faire. Mais pour La Délicatesse, je voyais des images, j’avais plein d’idées. A cette époque-là, le livre s’était écoulé à 20 000 ou 30 000 exemplaires. On était loin d’imaginer le parcours de l’édition de poche, vendue à un million d’exemplaires. Je n’ai pas « adapté mon best-seller » car, quand le projet du film a été lancé, le livre n’avait pas encore connu son succès.
Audrey Tautou et François Damiens : pour un premier film, le casting était remarquable…
C’est incroyable. Je rêvais d’Audrey Tautou, bien qu’elle n’ait pas
fait de premier film depuis dix ans. C’est une actrice qui fait des choix audacieux, elle avait envie de prendre des risques. On a beaucoup parlé avec elle. Elle trouvait l’histoire marrante et originale. Avoir Audrey Tautou, ça ouvre toutes les portes.
Le film a-t-il bien marché ?
En France, le film en est presque à un million d’entrées. Et on n’avait pas pensé qu’il sortirait dans plus de quarante pays. Mais je crois que beaucoup de lecteurs du roman n’ont pas voulu voir le film de peur d’être déçus. Il vient de sortir en DVD, avec de nombreux bonus : notre court métrage, le making of, le clip d’Emilie Simon (qui signe la BO, ndlr), le bêtisier, des scènes coupées…
Artistiquement, êtes-vous satisfait du résultat ?
Je suis très critique sur mes livres, et j’ai vécu le tournage avec du stress. Il y a des défauts dans le film, mais l’équilibre est atteint.
Je suis très heureux et j’en suis fier.
Comment apprend-on le métier de réalisateur ?
J’ai passé beaucoup de temps sur des tournages. Mon frère travaille dans le cinéma depuis longtemps, comme directeur de casting. Je n’aurais pas fait le film sans lui. J’ai aussi énormément appris en regardant les making of. Ce n’était pas improvisé. Un long métrage, c’est beaucoup de travail, beaucoup plus de pression médiatique et financière qu’avec un roman.
Devenir réalisateur, ça vous change en tant qu’écrivain ?
Non. On m’a souvent dit que j’écrivais des scènes visuelles. Mais écrire un roman pour en faire un film ne m’intéresse pas. Je préfèrerais écrire directement un scénario.
Le romancier travaille en solitaire, le cinéaste dirige une équipe.
Quel métier est le plus épanouissant ?
Ce sont des périodes de vie différentes. J’ai vécu des années d’écriture, j’avais envie de faire quelque chose de collectif, de m’entourer des gens que j’admire, comme Emilie Simon. Et quand j’étais sur un plateau avec cinquante personnes, je me disais que la vie d’écrivain me manquait. Je reste écrivain avant tout.