Philip Roth n’a pas besoin d’un Prix Nobel de littérature pour être un très grand écrivain. Et même quand il provoque son lecteur en faisant de l’incontinence urinaire le sujet de son nouveau roman.
Exit le fantôme est sans doute la dernière aventure de Nathan Zuckerman, le double de fiction de Roth, dont les aventures débutaient en 1979 dans L’Ecrivain fantôme. L’histoire se passe en 2004, Zuckerman a 71 ans. Devenu incontinent et impuissant après une opération de la prostate, il s’est retiré depuis onze ans dans un village du Massachussetts. L’espoir d’une intervention chirurgicale censée résoudre son problème d’incontinence le ramène à New York.
Une série de coïncidences ravive sa convoitise sexuelle pour une jeune femme et le met face aussi à son irrémédiable sénilité. Le ton est sombre, la société new yorkaise en pleine gueule de bois après la réélection de Bush, le héros repartira plus désabusé que jamais.
Ce trentième roman, très « rothien », interroge l’identité américaine, à la lisière entre fiction et réalité, autant que les relations qu’entretiennent l’art et la vie à travers l’écriture. Mais la psychologie masculine et la sexualité tiennent, comme toujours, un rôle de premier plan, même si Philip Roth ne fait plus beaucoup rire quand il aborde la question. Les fantasmes de Zuckerman ne croisent plus la réalité, l’homme a perdu de sa puissance et redoute les conséquences sur le champ de la création.
Restera-t-il l’écrivain qu’il était sans sa virilité ? La question, angoissante, serre le livre et taraude un Philip Roth qui, âgé de 76 ans, accélère actuellement la production de ses romans en un ultime geste d’écrivain sourdement désespéré.
Exit le fantôme, Philip Roth (Gallimard), 2009
