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Est-ce ainsi que les hommes vivent ? de Claude Halmos

Pour en finir avec les clichés sur la crise

Est-ce ainsi que les hommes vivent ? de Claude Halmos

Elle est spécialiste des relations parents enfants depuis vingt ans dans la lignée de Françoise Dolto, et c’est armée de cette compétence et d’une solide colère que Claude Halmos signe un gros livre essentiel, Est-ce ainsi que les hommes vivent ? (Fayard)

 

 

 

 

 

 

 

Neuf millions de Français sont considérés comme pauvres. La perte de son emploi n’a pas seulement pour conséquences des restrictions économiques, mais aussi une perte de l’estime de soi, une culpabilité et une foule d’effets secondaires sur la vie de famille et sur la santé. Sans oublier la peur terrifiante de la dégringolade et de la dépossession totale de soi, que rappellent les centaines de milliers de SDF peuplant désormais les rues. La crise est donc tout autant psychologique qu’économique. Il est rare que les psys s’emparent de la question pour en décrypter les conséquences intimes sur les individus. Claude Halmos a ce courage de plonger dans la matière économique, politique, sociologique, médicale et psychologique, pour écrire un livre qui offre un nouveau regard.

Livre actif plus que simple état des lieux, Est-ce ainsi que les hommes vivent ? replonge dans les balbutiements de la vie sociale, dès l’enfance, et pointe les conditionnements qui surviennent dès l’école. Le jugement de soi par rapport à sa note en classe, la place qu’on y occupe, la façon dont les parents transmettent la nécessité des bons résultats, tout cela façonne l’adulte qui fera ainsi face différemment aux situations de crise. A la maison, c’est le mythe de l’enfant qui doit être heureux quel qu’en soit le prix qui en prend un coup.
 
Et les psys dans tout ça ? Pas tendre, Claude Halmos, pour ses confrères et consoeurs, en particulier pour les autorités chouchoutées par les medias qui sont bien silencieuses sur les souffrances sociales de leurs contemporains. Les adeptes de la psy dite positive, du culte de l’individualisme et de la religion du bonheur en prennent aussi pour leur grade. « Peut-on savourer l’instant quand on sait que l’on risque, à tout instant précisément, de se noyer ? ». Et on ne peut que donner raison à cette psychanalyste courageuse et pertinente qui en appelle à la fois au bon sens, à la décence et à l’exigence avec soi. Car la tentation de démissionner est grande et si Claude Halmos porte un regard juste et bienveillant sur ceux qui souffrent, elle n’amollit pas ces derniers pour autant. Il va falloir éduquer ses enfants, ne pas renoncer à la nécessaire frustration mâtinée d’amour. Persévérer dans un amour parental qui ne passe pas tant par les biens matériels que par les valeurs transmises, à commencer par un cadre relationnel bien posé.
 
La lecture de Est-ce ainsi que les hommes vivent ? est salutaire à bien des titres. Elle vaut à la fois pour la prise en compte d’un problème qui touche toutes les familles, de près ou de loin, mais aussi pour ce regard tonique, encourageant et bienveillant que Claude Halmos pose sur son lecteur. Un coup de gueule bénéfique, certes, et une réconciliation avec soi et l’époque, au sens le plus collectif et épanouissant.
 
Karine Papillaud

 

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