
- On a l¹impression que le livre de Stéphane Hessel avait valeur prédictive au vu de ce qui se passe derrière la Méditerranée, qu¹en pensez-vous ?
Je ne sais pas si Stéphane Hessel a été beaucoup lu de l'autre côté de la Méditerranée, ni même si on peut transposer son livre. En tout cas il me semble qu’effectivement, et plus généralement, l’indignation peut être un concept assez souple pour comprendre la chute des régimes dictatoriaux arabes, au-delà des particularités nationales et culturelles.
De ces sursauts de dignité populaire, imprévus, et non organisé, je ne pense que du bien. Ca permet de contredire à jamais ceux qui enfermaient ces peuples dans l'image de peuples soumis et inadaptés à la démocratie. Puissent ces différents fermants d'émancipation qui viennent du Nord (Islande) ou du Sud (Magrheb) « polléniser » un peu partout ! Que les autres se le tiennent pour dit : la capacité d’indignation est universelle.
Nous votons tous les 5 ans, il y a donc des moyens de se faire entendre. C'est certes insuffisant, selon moi le civisme ne se résume pas au vote. Depuis quelque temps, la majorité a tendance à se faire "voler" le résultat, parce qu'elle s'abstient ou parce que c'est un candidat minoritaire qui gagne.
Ce sont les "petits gestes", de petites actions : changer de banque, d'alimentation. Ou les "grandes petites actions" individuelles ou collectives: donner du temps pour les soupes populaires pour nourrir des sdf, soutenir des sans papiers (se lever dans un avion pour qu'il ne puisse décoller est un tout petit geste, en soit, à peine plus de 50 cm de dénivelé, mais qui permet cependant parfois d'empêcher un renvoi de migrant), battre le pavé contre la réforme des retraites (soit à peine plus d’un km souvent sous le soleil avec des collègues sympas), occuper l'école de ses enfants pour protester contre la suppression d'un poste d'enseignant (et retrouver les joies des petites chaises et des crayons de couleur), prendre un bâtiment vacant pour dénoncer l'attentisme des pouvoirs publics.
A ceux qui accusent un peu rapidement la jeune génération, c’est-à-dire ceux qui ont 15-25 ans de moins qu'eux, de s'endormir et ne pas lutter, on a coutume de répondre à Jeudi-Noir : « pour pouvoir rêver il faut d'abord savoir où dormir ». Aujourd’hui une grande partie de la population a la tête dans le guidon, entre coût des gardes pour les parents, prix de l'enseignement, éloignement des services de santé, du logement, galères de transport pour les franciliens, crédits multiples qui interdisent tout écart ou mutuelle, crainte de la perte d'emploi etc...
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