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En France de Florence Aubenas

En France de Florence Aubenas

Sonder la France « réelle », celle qui n’intéresse pas le vrombissement médiatique, sans passer par la noria d’études chiffrées : la question ne cesse d’être retournée, disséquée dans les essais en tête des ventes cet automne. Mais face aux tonitruantes propositions d’Éric Zemmour (« Le Suicide français ») ou de Jean-Luc Mélenchon (« L’Ère du peuple »), Florence Aubenas oppose sa modestie.

 

 

 

 

 


Dès l’introduction de son En France, compilation d’enquêtes de terrain réalisées entre 2012 et 2014, la grand reporter du « Monde » se définit en creux par rapport aux grands théoriciens du déclinisme : « Je n’ai pas beaucoup d’idées, en tout cas pas régulièrement. Je n’ai pas d’imagination non plus. Je rechigne encore davantage à théoriser, et c’est souvent un fiasco. Bref, tout me désignait pour être reporter. » 

Une sorte d’aveu-programme pour l’ouvrage : l’ex-otage va, encore plus que dans Le Quai de Ouistreham (son précédent livre, où elle était partie prenante), s’effacer devant son sujet et ses sujets, pour répondre à cette interrogation : « La France. On croit connaître cet endroit qu’on appelle “chez soi”. C’est dans ce paysage familier que commence le mystère. »

Le mystère, elle va le traquer patiemment à Guéret, dans la Creuse, à Aubervilliers, à Hénin-Beaumont, dans les parcs, les stations-service, les caisses d’allocations familiales. À chaque arrêt, elle capte ici une ambiance de désolation (quand la station-service, clé de voûte de l’économie campagnarde, met la clef sous la porte), ici une réflexion d’apparence anecdotique, mais toujours plus éclairante qu’un discours préformaté – comme ce « grand type en bermuda », qui déclare sur les marchés d’Hénin-Beaumont, qu’il « faut déjà être contremaître pour se permettre de voter PS ».

Autant de photographies de l’instant qui décryptent le temps long, celui des bouleversements sociaux en cours vécus par les gens ordinaires, toujours décrits avec finesse, empathie et humour.

Timothée Barrière

 

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