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"De nos frères blessés" de Joseph Andras (actes Sud)

"De nos frères blessés" de Joseph Andras (actes Sud)

Le Club des Explorateurs permet chaque semaine à deux lecteurs de lire un même titre que nous avons sélectionné pour eux et de confronter ainsi leur point de vue.

Cette semaine, Alicia et Julie , nos deux Exploratrices, ont découvert « De nos frères blessés » de Joseph Andras (actes Sud)

 

 

L’avis de Alicia  :

Fernand Iveton. Voilà un nom qui m’était inconnu, jusqu’à ce que je reçoive, pour le Club des Explorateurs de lecteurs.com, De nos frères blessés, paru chez Actes Sud. Le roman est écrit par Joseph Andras, pseudonyme d’un normand qui a eu l’audace, le culot, l’affront - à vous de voir - de refuser le Prix Goncourt du premier roman 2016 pour ce récit court et intense.

 

Fernand Iveton, donc. L’histoire non pas d’une injustice, mais d’une négation de justice, « pour l’exemple ». Le roman relate l’histoire de ce militant communiste et indépendantiste pendant les « événements » d’Algérie - que le gouvernement français refuse encore, à ce moment, de nommer « guerre ». En octobre 1956, Iveton dépose une bombe dans un local désaffecté de l’usine où il travaille, sensée exploser après la fermeture afin de ne blesser ni tuer qui que ce soit. A l’époque, les attentats sanglants se multiplient, mais Iveton refuse de tuer, ce qu’il n’aura de cesse de clamer (« Je n’aurais jamais accepté, même sous la contrainte, de faire une action qui puisse entraîner la mort », p. 67).

 

Il est repéré et dénoncé par un contremaître, arrêté et torturé pendant plusieurs jours, jusqu’à ce qu’il dénonce ses camarades. Jugé très succinctement par un tribunal militaire (une seule journée d’audience), il est déclaré coupable et condamné à mort. Ses avocats tentent un pourvoi puis une demande de grâce. Mais son recours est refusé par le Président Coty, le Garde des Sceaux Mitterrand et le Président du Conseil Mollet. Il est guillotiné à la prison d’Alger en février 1957. Iveton n’est pas puni uniquement pour son acte seul, il paye pour les autres attentats meurtriers commis en Algérie. Il est d’ailleurs le seul Européen exécuté de la guerre d’Algérie parmi les prisonniers politiques.

 

En parallèle de l’histoire militante d’Iveton, l’auteur nous raconte sa rencontre en France avec sa femme Hélène, jeune femme d’origine polonaise dont il tombe amoureux alors qu’il est en métropole pour passer des examens médicaux. A la douceur et l’intensité de leur amour s’opposent la cruauté et la rigidité de la justice en tant de guerre.

 

De nos frères blessés est un récit puissant. Le style est au début déroutant mais très prenant : les dialogues sont intégrés au texte, sans guillemets, tout se lit d’une traite, tout se déroule d’un coup, sur le fil tendu de l’histoire. Cela rend chaque parole, chaque pensée, chaque action vivantes et accentue le ressenti : « La minuterie, incessante, à devenir fou dans la plus stricte littéralité du terme, tic-tac tic-tac tic-tac tic-tac tic-tac tic-tac tic-tac tic-tac tic-tac tic-tac tic-tac… » (6 lignes de tic-tac, p. 15). Ce roman est tout en tension, en attente, et les souvenirs heureux de la rencontre entre Fernand et Hélène sont quelques rares éclaircies. Mais c’est aussi une leçon, une dénonciation, une révélation des faits de guerre qui sont minimisés ou tombent facilement dans l’oubli, en particulier les actes de torture : « Fernand n’aurait jamais cru que c’était cela, la torture, la question, la trop fameuse […]. Que cela pouvait être aussi atroce. Non, le mot n’y est pas. L’alphabet a ses pudeurs. L’horreur baisse pavillon devant vingt-six petits caractères. » (p. 19)

 

Bref, un immanquable de votre PAL cette année !

 

© Alicia Mac Kell

 

 

L’avis de Julie :

J'ai dévoré ce roman plutôt court mais dense et surtout intense.

J'ai beaucoup aime le choix d'une Toile historique encore peu exploitée (la guerre d'Algérie). J’ai également apprécié les détails historiques subtilement placés.

On sent le parti pris politique de l'auteur dans le choix même du thème central du roman biographique et dans la mise en scène des personnages et les mots qui leur sont attribués.

Pour autant, j’ai apprécié que le livre ne se limite pas à ces considérations et fasse le choix de développer des personnages attachants ainsi qu'une histoire d'amour d'une originalité agréable.

Une histoire qui aurait d'ailleurs selon moi mérité encore plus de place dans le livre.

Justement, j'ai apprécié que l'auteur ne joue pas de manière trop appuyée sur les sentiments et ne tombe pas dans le pathos. On ressent plus l'aspect oppressant de l'histoire que son aspect tragique, ce qui nous permet de nous identifier davantage au personnage principal.

 

Au final, je reste très satisfaite de ce livre peu trop court à mon gout mais avec de l'ambition.

 

© julie quiedeville

 

 

 

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