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Contrecoup de Rachel Cusk

La déflagration du divorce

Contrecoup de Rachel Cusk

Ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants : dans le cas de l’écrivain Rachel Cusk, ce furent deux filles. Mais la fin des contes ne racontent jamais complètement la fin des histoires. Pour Rachel Cusk, il n’y aura pas eu de noces d’or ni de mains tachées par la vieillesse qui se tiennent tendrement. Son mari la quitte un jour et c’est le choc, suivi de son onde qu’elle raconte dans Contrecoup (ed. de l’Olivier).

 

 

 

 

 

 

Plus qu’un récit, c’est une réflexion sur l’essence du lien marital dans une époque marquée par des acquis féministes. On retrouve ce questionnement dès son premier livre traduit en France en 2007, Arlington Park, l’histoire de mères au foyer d’un quartier bourgeois anglais. Toute l’oeuvre de Rachel Cusk est sillonnée par l’inquiétude de savoir ce que devient la femme dans le couple et si le couple peut exister dans l’égalité des êtres. Contrecoup n’est pas une analyse sociologique, ce n’est pas non plus un texte qui joue complètement le jeu du récit puisque rien n’est raconté de sa rupture et des raisons qui la motivent. A peine, une mise en fiction à la fin du livre, qui passe par le regard d’une narratrice extérieure, une jeune fille au pair, éclaire un peu mieux les ravages de ce divorce sur l’auteur du livre.

Contrecoup est plutôt un essai sur la fragilité inouïe de ce qui semble solide et sur quoi on construit sa vie entière. «Je suis une exilée de ma propre histoire», décrit-elle. La femme ne doit-elle pas renoncer discrètement à ce que l’émancipation, le féminisme lui ont inculqué depuis trente ans, quand elle «fait couple» avec un homme ? Si les désirs de la femme et de la mère semblent compatibles pour Rachel Cusk, ils se heurtent à ceux suggérés par le couple, c’est-à-dire par l’irruption du masculin.

Comment juger Clytemnestre qui assassine son mari Agamemnon à son retour de Troie : est-elle une femme masculinisée par la prise de pouvoir sur le royaume en l’absence de l’homme, ou une mère vengeresse qui n’a pas oublié le sacrifice de sa fille Iphigénie commis par son père avant le départ de ce dernier ? Interrogeant la tragédie grecque, en particulier L’Orestie et L’OEdipe Roi, l’amazone Rachel Cusk tente de répondre à la question de la place de la femme dans la société d’aujourd’hui. Elle procède par l’intime, pénétrant profondément la substance même de l’émotion.

Dans la lignée d’une Virginia Woolf dont l’oeuvre trouve étrangement écho dans les livre de Cusk, Contrecoup dévoile avec justesse la nature de l’intime déchirure d’une femme contemporaine, dont la dignité et la vulnérabilité se maillent étroitement à l’acuité de l’écrivain.

Karine Papillaud

Contrecoup, Rachel Cusk, ed. de l’Olivier, (2013)

 

 

 

 

 

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