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Bloody Miami de Tom Wolfe

Un Flic à Miami

Bloody Miami de Tom Wolfe

 

Le phénomène Tom Wolfe est-il encore un écrivain ? A 82 ans, le célèbre dandy réac américain publie son quatrième roman, Bloody Miami (Robert Laffont). Il y dépeint l’ambiance si particulière de cette ville américaine où une minorité, les latinos, sont devenus majoritaires et, fait singulier aux EU, ont pris les rênes de la ville.

 

 

 

 

Il aura fallu un peu plus de deux ans d’enquête au romancier, connu d’abord pour être parmi les pionniers du journalisme gonzo, pour pénétrer les secrets de la ville. On pourra déplorer que cette immersion ne débouche pas sur une description de Miami plus approfondie. Une heure de visionnage des «Anges de la téléréalité» aurait pu suffire à l’auteur pour planter son décor : le Miami de Wolfe se résume trop souvent à l’évocation des mini-shorts de filles aux jambes maxi-longues, flanquées de poitrines hypertrophiées coincées dans des Tee shirts XXS. Les hommes ne sont pas en reste dans une ville où le corps fait loi : Nestor, l’un des protagonistes, est affublés de muscles déformants qui feront sa popularité.

Mais de quoi s’agit-il ? C’est l’histoire de Nestor, un latino qui vit dans le quartier cubain et qui s’est enrôlé dans la police de la ville où il commence une carrière exemplaire. Jusqu’au jour où il doit empêcher un réfugié cubain de poser le pied sur le sol américain. La manoeuvre est spectaculaire, le Miami des «Anglos», c’est-à-dire des blancs américains, l’acclame pour l’exploit quand sa communauté, les latinos, ne retiennent que l’acte de traîtrise perpétré contre un semblable. Tous se détournent de lui, sa famille en tête. A ce moment choisi, sa petite amie Magdalena le quitte. Magdalena, autre personnage clef, sorte de midinette déguisée en infirmière psychiatrique qui sort avec son patron «anglo», médecin spécialisé dans la lutte contre la pornographie.

L’histoire que raconte Tom Wolfe est celle d’une minorité ethnique maximale par le nombre, qui rêve d’accéder au statut privilégié des WASP américains, moins nombreux mais aux postes les plus enviables. La discrimination communautaire est vécue du côté des opprimés et non de la caste dominante. Mais le conservateur Tom Wolfe n’a finalement pas plus gâté les latinos complexés que les anglos dégénérés, au risque de céder à pas mal de clichés : l’oligarque russe malhonnête, le psychiatre malsain, l’art contemporain comme fumisterie, les filles objets sexuels, la presse complaisante et le héros prolétaire. Ajoutons à cela une ponctuation hystérique avec une invasion de points de suspension, des digressions et queues d’intrigues sans à propos, des onomatopées envahissants, bref un style fatigant étiré sur 600 grandes pages.

Et pourtant : le livre reste un bon divertissement pour ceux qui passent le cap des cent premières pages. Sous la fantaisie débridée de l’auteur, la tension d’un «il va se passer quelque chose» tient le lecteur en haleine. Les aficionados seront servis, mais la recette «Wolfe» rancit un peu.


Karine Papillaud

Bloody Miami, Tom Wolfe, Robert Laffont, (2013)

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