Face à un monde de l’édition saturé, de plus en plus d’auteurs en herbe ou confirmés optent pour l’auto-publication, en papier et/ou numérique.
Sans éditeur, ils confrontent directement leurs œuvres au jugement du lecteur. Enquête sur un processus innovant, qui connaît déjà de nombreux adeptes…
Fabrication de stickers, publication en ligne d’extraits pour fidéliser son lectorat… C’est la rentrée, et
Alexis Bacci-Leveille, auteur/dessinateur de la BD
Bikini Wars, bûche sur un plan « marketing » pour vendre son ouvrage. En juin dernier, il a auto-publié, grâce à la plateforme canadienne
www.lulu.com, cette aventure de 270 pages, une vendetta 100 % féminine, sexy et pêchue. «
Après quatre ans sur ce projet, je suis ravi qu’il existe », s’enthousiasme-t-il, l’œuvre reliée et cartonnée entre les mains.
Le principe ? Simple ! L’auteur publie son livre sur le site, en fixe le prix, dont il perçoit 60 à 70 %; le site l’imprime et l’envoie à la demande... À la charge de l’auteur ? La correction de l’ouvrage, la mise en page, la couverture, la promotion, bref, toutes les missions traditionnellement dévolues aux maisons d’édition… Ce qui ne manque pas de faire râler Alexis sur ses nouveaux attributs de « marchand de tapis » ! Malgré ces contraintes, la formule séduit de plus en plus. En témoigne la prolifération des sites d’auto-publication : sur le modèles de Lulu, existent aussi les Français de
The Book Edition ou les Allemands de
Book On Demand. Citons encore les plateformes d’auto-édition numérique (formats e-books), d’Amazon Kindle, iTunes ou encore Kobo.
En parallèle, un nombre croissant d’écrivains opte pour cette voie. Une solution par défaut pour sortir d’un marché saturé et contourner les refus de manuscrits ? Pas seulement, si l’on en croit
Pauline Doudelet, auteur de plusieurs ouvrages auto-édités, principalement en numérique. (
Naufrage,
Fugues…). Cette écrivaine confirmée, ardente défenseuse de l’auto-publication, y perçoit d’abord l’avantage d’une extrême liberté, hors du diktat des modes, la possibilité de publier à son rythme, le bénéfice de se confronter directement au lecteur, mais aussi l’occasion enrichissante d’appréhender seule tous les rouages de l’activité… Enfin, l’écrivaine brandit l’argument financier : «
Est-ce normal que l’auteur, édité traditionnellement, qui fournit la matière première, soit le dernier de la chaîne du livre à être payé, qui plus est avec des restes ? » En auto-publication, les droits d’auteurs sont en effet dix fois plus importants que dans l’édition classique… En revanche, il faut aussi accepter n’avoir quasi aucun contact avec son « éditeur » fantôme.
À Lille, pourtant, dissimulé sous la société d’impression numérique Reprocolor, nous avons déniché The Book Edition, et son directeur marketing, Guillaume Mercier, qui raconte : « Nous avons créé The Book Edition, en réalisant que J. K. Rowling avait failli ne jamais sortir Harry Potter faute d’éditeurs… Nous voulions donner accès à l’édition de manière simple, peu coûteuse à des auteurs lambda et, qui sait, talentueux… » Cinq ans après la fondation de la structure, Guillaume Mercier se réjouit de bénéfices exponentiels, qui inquiètent le système classique. Des signes encourageants, mais relatifs. Car, ici, en France, l’auto-publication connaît un succès bien moindre qu’aux États-Unis : le modèle souffre encore d’un gros manque de reconnaissance, même si les mentalités évoluent peu à peu, comme en témoignent nos protagonistes. On soufflerait même que les grosses maisons étudieraient très sérieusement le phénomène. Une petite révolution pour l’édition ?