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Au revoir là-haut de Pierre Lemaître remporte le Prix Goncourt 2013

lecteurs.com lui avait consacré une chronique il y a quelques jours...

Au revoir là-haut de Pierre Lemaître remporte le Prix Goncourt 2013

 

Le centenaire du commencement de la guerre de 1914 arrive, les livres qui en parlent aussi. Après Echenoz et son 14 l’an dernier (ed de Minuit), Au revoir là-haut, de Pierre Lemaître (Albin Michel) est l’un de ceux dont on parle le plus en ce moment.

 

 

 

 Lire le premier chapitre

 

 

Si le roman de Pierre Lemaître est une fiction, les faits relatés sont plausibles : Albert, un jeune homme de faible extraction, et Edouard, un fils à papa original, voient leurs destins liés en novembre 1918, à la faveur d’une ultime bataille. Parce qu’en sauvant la vie d’Albert, Edouard voit son visage complètement arraché, se crée entre les deux hommes une amitié de salut inexpugnable. Edouard demande à son ami de le faire passer pour mort. Commence alors le début d’une série de falsifications désespérées qui émailleront les années d’après guerre. Car personne ne les attend, et tout le monde ne pense qu’à oublier la guerre et ses misères. Une sorte de guerre sociale, aussi implacable que l’autre, prend alors le relais.
Aulnay Pradelle, le capitaine des deux hommes qui n’est pas sans lien avec la tragédie d’Edouard, saura quant à lui tirer son épingle du jeu : il fait un bon mariage et se lance dans la grande entreprise d’exhumation des corps de soldats enterrés dans des cimetières de fortune, pour les renvoyer dans leur famille. Un commerce lucratif qui encourage à la roublardise et causera sa perte.

Pierre Lemaître se place d’emblée sous la protection du Tolstoï de Guerre et paix, en introduisant des comparaisons explicites : on retrouve de la princesse Marie en Madeleine, Pierre en André, et quelque chose de Nicolas Rostov et Anatole Kouraguine en Henri d’Aulnay Pradelle. Mais n’est pas Tolstoï qui veut et peut-être que ce candide cousinage revendiqué se retourne contre le livre de Lemaître. Les personnages n’ont pas la grandeur et l’imperfection magnifiques de ceux du génie russe. L’histoire futée, manque toutefois de souffle et de l’ampleur dont  14, le court livre d’Echenoz (ed Minuit, 2012), débordait.
Mais l’histoire des péripéties de deux hommes désespérés, et des petits complots et malversations en période bouleversée sonne juste. Un petit couac, en arrivant aux dernières pages du livre, qui remercient une flopée d’auteurs pour les emprunts que Lemaître a prélevés dans leurs œuvres. Plagiat assumé ou clins d’œil bien dissimulés ? La question dérange un peu. On passe un bon moment, qu’on peut aussi vite oublier.

L’aura, l’aura pas : le premier roman en littérature dite « blanche » de Pierre Lemaître fait bruisser le landernau germanopratin. L’histoire du retour de deux jeunes militaires dans une France démobilisée ressemble à une grande fresque tout à fait « Goncourt-compatible ». On sait le goût d’un Régis Debray ou d’un Patrick Rambaud, deux des jurés, pour l’Histoire, et le nom de Lemaître se chuchote avec insistance depuis juin. A cela, plusieurs explications qui n’ont rien à voir avec le livre : l’engouement pour le livre est le même que pour Le Club des incorrigibles optimistes de Jean-Michel Guenassia en 2009, lui aussi un sympathique sexagénaire, lui aussi fraîche recrue de la littérature blanche qui retraçait également toute une époque dans un gros livre. Il recevra le Goncourt des Lycéens, un scénario qui n’est pas à exclure pour Lemaître.

A savoir encore, le dernier roman publié par Albin Michel et gratifié par le Prix Goncourt était celui de Jacques-Pierre Amette, La Maîtresse de Brecht, il y a exactement 10 ans. Il serait bien temps de penser à cet éditeur méritant pour le vénérable prix de cette année. Grasset tire une langue un peu moins longue puisque son dernier lauréat était François Weyergans en 2005 pour Trois jours chez ma mère mais la maison d’édition a, elle aussi de sérieuses prétentions avec le magnifique L’invention de nos vies de Karine Tuil ou Le Quatrième mur de Sorj Chalandon. Mais il faut bien remarquer que c’est Gallimard qui tire le mieux son épingle du jeu ces dernières années, par les publications de la maison-mère, Jonathan Littell (2006), Marie NDiaye (2009) ou Alexis Jenni (2011) ou de ses filiales, à titre d’exemples Gilles Leroy pour le Mercure de France en 2008, Atiq Rahimi pour POL en 2008.

Karine Papillaud

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