Une nouvelle revue trimestrielle qui parlera de politique différemment.
Conversation entre Arnaud Viviant et Vincent Hein, deux ministres charlistes.
Vincent Hein : Arnaud, Pourquoi Charles ?
Arnaud Viviant : Pourquoi "Charles"? A cause de "George"! Un magazine mensuel créé en 1995 par John Fitzgerald Kennedy Jr, fils du président assassiné, qui voulait traiter de la politique autrement (son slogan était : "Not Just Politics As Usual"). Le titre du magazine faisait référence au prénom du premier président des Etats-Unis d'Amérique, le nôtre fait référence au premier Président de la cinquième République. "George" est notre modèle. "Charles" est donc un "mag-book" vendu uniquement en librairie, traitant de la chose politique sous un angle que nous espérons désespérément nouveau. Mais on pourrait dire aussi que "Charles" est une revue gaullo-marxiste baudelairienne, cela nous irait très bien. Après tout, Marx était aussi un Charles...
Vincent Hein : Comment parle-t-on de politique « not as usual » ?
Arnaud Viviant : Pour commencer, la revue autorise des formats qu'on ne trouve pas dans la presse : entretien au long court, reportages et enquêtes approfondies. Cela évite de surfer sur les clichés, de contourner la parole dominante qui se nourrit de sa propre vitesse. Notre approche n'est pas partisane. Nous refusons le bipartisme que les deux partis dominants nous présentent pourtant comme une modernisation de la vie politique, les bleus contre les roses, l'âne démocrate contre l'éléphant républicain (comme si un âne avait la moindre chance contre un éléphant!). Les Français sont un grand peuple politique. Ils s'arrangent très bien d'un nuancier des idées qui irait du rouge profond presque noir (l'anarchie) à un bleu pâle presque blanc (la monarchie). Entre les deux, toute la palette différenciée des opinions. "Charles" veut évoquer toute cette gamme.
Vincent Hein : Tu inaugures ce premier numéro en formant un gouvernement d’écrivains. Tu nous a demandé à tous de rédiger un programme. Quel est d’après toi la note, le style, le ton de ce nouveau gouvernement ? Qu’est ce qui relie ces auteurs entre eux ?
Arnaud Viviant : Jusqu'à il y a peu, les écrivains ont toujours participé à la vie politique française. Nous sommes après tout les inventeurs de la fonction d'intellectuel (avez Zola justement et l'affaire Dreyfus). J'aime la littérature engagée. D'où l'idée de composer un gouvernement de rêveurs réalistes, d'utopistes concrets. J'ai formé ce gouvernement en veillant tout d'abord à sa cohérence. Générationnelle pour commencer : pas question de prendre, par exemple, Sollers ou d'Ormesson. Trop vieux. Tous les ministres ont entre trente et quarante ans. Tous se font, en fonction d'un vécu similaire, la même idée du monde. J'ai choisi enfin des écrivains qui, par leurs livres, entretiennent un rapport certain aux idées. On ne le dit pas assez, mais la jeune littérature française est essentiellement une littérature d'idées.
Vincent Hein : Avec Stéphanie Moisdon vous vous chargez des Arts et de la culture.
Arnaud Viviant : Le ministre de la Culture, Frédéric Beigbeder, se suicidant quelques jours après sa prise de fonction, il a fallu le remplacer très vite. Pas question de laisser vacant un poste aussi important ! Nous l'avons toutefois changé en ministère des Arts et des artistes, considérant que la culture était aujourd'hui affaire d'industrie culturelle (donc pour le ministère de l'Industrie). Notre programme est très concret : défendre l'Art du marché et les artistes des marchands. Je crois qu'Aurélie Filippetti dont tout le monde dit qu'elle deviendrait ministre de la Culture si Hollande venait à l'emporter, pourrait nous lire avec quelque... profit.
Vincent Hein : Du coup c’est un gouvernement sans Premier ministre…
Arnaud Viviant : Le Premier ministre est une fonction inutile dans un gouvernement cohérent, démocratique, générationnel. L'Assemblée nationale ferait un très bon Premier ministre.
Vincent Hein : Le deuxième, ou le second grand absent de cet exécutif, reste le Président de la République. Qui serait pour toi, le candidat idéal ?
Arnaud Viviant : Un vieux sage, type Stéphane Hessel ou Edgar Morin, pourrait faire l'affaire. On pourrait aussi imaginer une espèce de coach issu du sport : a priori plutôt Eric Cantonna que Guy Roux... Je pense aussi qu'Eva Joly, tant décriée, serait parfaite en Présidente de la République. En tout cas que, dans le futur, cette fonction présidentielle devrait pouvoir échapper à un professionnel de la politique. Ce que j'aime chez Eva Joly, c'est précisément ce qu'on lui reproche : de venir de la société civile, et donc de ne pas savoir faire de politique.
Vincent Hein : Penses-tu que dans trente ans nous serons des « amis de trente ans » ?
Arnaud Viviant : Cela rejoint un peu ce que je viens de dire à propos d'Eva Joly. Je pense que la politique, au sens noble du terme, se meurt de sa professionalisation. Cette histoire d'amis de trente ans, est typique de ça. Cela mis à part, je payerais cher pour refaire dans trente ans un numéro de "Charles" avec les ministres de 2012.
Arnaud Viviant est journaliste, écrivain et Ministre des Arts et des artistes.
Vincent Hein est écrivain et Ministre du Commerce extérieur.
Charles est disponible en librairie.