
Notre mémoire collective est pavée de mystifications dont nous n'avons aucunement conscience. Gerald Messadié romancier et historien, mais surtout fin limier historique, mène des enquêtes minutieuses sur ces affirmations historiques qui se transmettent de génération en génération.
Il faut attendre le XXe siècle pour que l'histoire devienne une véritable discipline. Et toute objective qu'elle prétende être, se fondant sur des documents et s'adossant à des disciplines complémentaires comme la géographie, l'économie, la sociologie, l'ethnologie ou la philosophie; l'histoire a entretenu de nombreux mythes, voire construit de purs mensonges. D'ailleurs les historiens ne sont souvent ni conscients, ni responsables de certaines des contre-vérités historiques dont ils sont les artisans. Gerald Messadié explique "… l'historien est à son insu prisonnier du prisme de sa culture et suit des schémas de pensée autocentrés. (…) L'esprit se refuse à admettre des évidences contraires à ses convictions."
L'auteur nous emmène au pays du mensonge historique, sans jamais porter de jugement de valeur. Un panorama qui s'étend du XIIe siècle avant Jésus-Christ au XXIe siècle après Jésus-Christ, trente-quatre siècles à travers quatre-vingt quatre mystifications : celles du monde ancien et celles du monde moderne.
Les mystifications du monde ancien courent de l'avant Jésus-Christ au XIXe siècle. Nous apprenons que Ramsès II, construisit sa légende grâce au récit que fit un scribe zélé de sa fausse victoire contre les Hittites. Quant à Socrate, dont Platon rapporte le suicide. Qu'en est-il vraiment ? D'ailleurs comme l'explique l'auteur, "Des soupçons me lancèrent dans une enquête de plusieurs décennies sur ce que put être l'enseignement d'un maître qui ne voulait pas être un professeur et d'un penseur qui n'a pas laissé un seule mot écrit." En effet que n'y avions-nous pensé plus tôt ?
Les temps modernes ne sont pas épargnés, de la Seconde Guerre mondiale offrant une inépuisable mine de déformations historiques à la guerre d'Irak. Mais qu'on ne se méprenne pas, le travail mené par Gerald Messadié n'est en aucun cas du révisionnisme et encore moins du négationnisme. C'est juste une remise en perspective, car souffrances et douleurs, mais aussi enjeux politico-économiques ont souvent besoin de glorifier un héros ou fustiger un ennemi.
Une lecture passionnante et très accessible qui éveille en nous l'esprit critique, y compris pour la compréhension de l'actualité contemporaine.
Agathe Bozon
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4000 ans de mystifications historiques, Gerald Messadié, (L'Archipel), 2011