Avis issu de : https://hanaebookreviews.wordpress.com/2019/07/01/rosa-candida-audur-ava-olafsdottir/
Quoi de mieux qu’un livre au nom d’une rose pour butiner un printemps regretté au sein de cet été caniculaire ?
« Rosa Candida » ou la rose à huit pétales. Fleur rare à l’équilibre aérien et...
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Avis issu de : https://hanaebookreviews.wordpress.com/2019/07/01/rosa-candida-audur-ava-olafsdottir/
Quoi de mieux qu’un livre au nom d’une rose pour butiner un printemps regretté au sein de cet été caniculaire ?
« Rosa Candida » ou la rose à huit pétales. Fleur rare à l’équilibre aérien et à la tige douce et sans épine.
Si le roman n’a pas 8 pages, les aromes qu’il exalte à son ouverture enivrent autant que ceux dégagés par l’éclosion d’une fleur.
Effeuillé avec délicatesse, ses pages sont des pétales aux parfums enveloppants dont la finesse des émotions m’a émue sans chichis. Rare et pur, sans mièvrerie ni naïveté, j’y ai lu la beauté et simplicité du monde – tout simplement, à l’image de la fleur.
Tout commence dans un paysage volcanique et hostile où des déserts de laves refroidies entravent la nature et où la floraison n’a pas sa place. Pourtant, la mère d’Arnljótur a réussi à y maintenir une serre et à y cultiver une variété de roses rares, Rosa Candida. Arrachée trop tôt à la vie, elle laisse à son fils, alias Lobbi, cette serre dont ils partagent la passion.
C’est en ce lieu vénéré que le jeune homme découvre les plaisirs de la chair et où est conçue Flora Sol, sa fille, qu’il appelle « l’enfant ».
Bouleversé par la mort de sa mère et face à une paternité trop brusque dont il semble étonnamment détaché, Lobbi quitte l’Islande pour rejoindre un monastère dont il réhabilitera le jardin mythique à l’abandon.
Avec pour seul bagages trois boutures de Rosa candida, il abandonne « l’enfant », « la femme », son père anxieux et son frère autiste pour un long périple vers cette roseraie dont le lecteur ne connaitra jamais le lieu exact.
La longueur du voyage et l’inconnu du lieu nous font ressentir le même dépaysement que notre personnage. Le lecteur se sent lui aussi déraciné dans ce pays à la langue et aux coutumes étrangères et seul le « Merveilleux Jardin des Roses Célestes », lieu clos à l’abri du monde protège du monde extérieur et des réalités terrestres.
Peu pressé de grandir, notre jeune homme aux deux passions, les roses et le corps, y renouvelle l’Eden végétal maternel et cultive ainsi une insouciance vendue trop tôt.
La roseraie semble paradisiaque et Lobbi passe ses journées entre les fleurs et les films qu’un moine cinéphile lui projette pour l’éduquer aux réalités du monde : la cuisine, l’amour, la chair… Mais le filtre du 7ème art et ce parfum d’Eden envoutant ne pourront durer éternellement et, un mois après son installation chez les moines, la « femme », Anna le rejoint avec « l’enfant ».
L’initiation vers la maturité, la lente évolution des sentiments et l’apprivoisement du rôle paternel sont traités de manière tendre, presque poétique.
Lecteurs de livres à suspens, passez votre chemin.
Comme la rose fragile demande du temps avant d’éclore, notre héros et notre histoire évoluent avec lenteur et délicatesse.
Une écriture tendre décrit le monde avec simplicité et évidence, comme s’il suffisait d’en assimiler sa beauté pour accepter de ne pas le compliquer.
En résulte un apaisement envoûtant, comme un parfum de rose enveloppant où les personnages principaux sont plus secondaires que les sentiments et les émotions qu’ils transmettent.
Un très beau roman dont on se délecte comme on admire un jardin.
« Au moment où je m’apprête à partir pour le jardin, le lendemain matin, frère Thomas frappe à ma porte. Il me dit être parvenu à une conclusion dans l’affaire qui nous occupe.
« On parle du corps à cent cinquante-deux reprises dans la Bible, de la mort à deux cent quarante-neuf et de roses et autres végétations terrestres à deux cent dix-neuf. J’ai recensé cela pour toi : ce sont les plantes qui m’ont pris le plus de temps : figuiers et vignes se cachent partout et il en est de même pour les fruits et toutes sortes de semences. » Il me tend une demi-page quadrillée comportant trois colonnes de chiffres, puis il pointe vers le total souligné deux fois au bas de chaque colonne, comme preuve à l’appui. Il y a là trois chiffres qui répondent à toutes mes questions que j’avais sur le cœur.
« C’est là, noir sur blanc », dit-il. Le corps, la mort et les roses, comme s’il me citait le titre d’un vieux roman de gare. »