En quelques phrases une femme est là, campée devant nous : américaine, écrivain, divorcée, plus toute jeune, solitaire, et impudente à ses heures.
Elle se nomme nadia, mais par dérision se fait appeler nada.
Nada a entrepris d'écrire un récit à partir d'un fait divers ancien : l'histoire de barbe durand, une jeune servante française mise à mort en 1712 pour avoir dissimulé sa grossesse et fait disparaître l'enfant qu'elle avait eu de relations forcées avec son patron. en même temps, par bribes et fragments, nada confie à son journal des souvenirs de sa propre enfance dans une famille catholique qu'ont disloquée la déchéance alcoolique du père et le naufrage d'une mère dont la carrière de violoniste a été brisée par le mariage avec cet homme.
Ainsi va ce roman, par deux voies alternées, toujours sur le point de se greffer : l'histoire de barbe et celle de nada. de cet ourdissage naît un texte unique, violent, sombre parfois et parfois tendre, telle une composition musicale dont les mouvements déploient leur diaprure sous les effets l'un de l'autre. et par là, on s'aperçoit bientôt que l'on tient entre les mains un somptueux roman sur la création et son double : l'inspiration.
D'un côté, Nada. Auteure de cinquante ans, qui a bien vécu. Et mal vécu, entre certains excès, les hommes, un avortement très jeune... Des désillusions. Comme une envie de destruction.
En parallèle, l'héroïne de son nouveau roman. Barbe. Jeune servante française, condamnée à mort en 1712 pour avoir dissimulé sa grossesse et fait disparaître cet enfant illégitime.
Nancy Huston y aborde la condition de la femme, humainement et historiquement. Ce que le bien-pensant condamne en silence aujourd'hui conduisait au bûcher hier. de la femme à la sorcière, il n'y a qu'un pas. de côté ou de travers, peu importe, on en revient au Mal, à la Bible, au sacrifice, au manichéen. La femme pécheresse, punie, inlassablement.
J'aime infiniment son écriture, son imagination, sa vision.
Avec Instruments des ténèbres, je me suis régalée.
C'est le premier livre que je lis de cette auteure. Le hasard d'une boite à livre par un long été plein de chaleur, m'a mis ce court roman entre les mains.
Le livre démarre par une entrée en matière bien surprenante et dérangeante avec Nadia qui parle ou hurle avec son diable intérieur, beaucoup de force dans ces premières pages qui donne le ton. Très perturbant pour ma part . Je me suis demandée même si j'allais continuer et lire des sentiments aussi perturbants. Le titre en est une bonne évocation .Mais une écriture riche , au mille nuances pour décrire la douleur, l'effroi, la folie qui habite le personnage.
Deux histoires et univers en parallèle Nadia, l'écrivaine d'un livre , et Barbe qui a vécu au XVIIs.
Chaque chapitre alterne la vie de Nadia de manière elliptique et sous la forme d'un dialogue avec son diable , et l'histoire de Barbe, orpheline à la destinée tragique.
Nadia en fait oscille entre les deux personnages pour nous parler d'elle, des ses douleurs, erreurs, son mal-être. On entre dans l'intimité emprunte de mysticisme de Nadia via la vie de Barbe .
L'histoire de Barbe est presque surréelle, beaucoup de douceur dans le personnage et dans celui de son frère, un amour entre les deux comme peuvent le ressentir les jumeaux certainement, un double parfait en tout. Illuminés tous les deux, par dieu ou par une autre force plus surnaturelle, le diable n'est jamais très loin de ceux que la foi habite. Beaucoup de malheurs aussi ponctuent leur vie comme si jamais on ne pouvait se défaire du mauvais œil. Une histoire très dure qui finit tragiquement évidement . Barbe m'a beaucoup touché par sa simplicité et son destin noirci en crescendo du début à la fin.
Une belle écriture et une entrée originale pour ce roman intime qui parle très bien des femmes.
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