Comment imaginer qu'on puisse s'avancer gaillardement vers la mort, cet inévitable pays « où l'on finit tous par aller se faire foutre », pour reprendre les mots de Régis Jauffret ?
Composé d'une quinzaine de « fictions » troussées comme autant d'hommages (bravo !) à la résistance des obstinés-à-vivre que nous sommes ou deviendrons tous, ce roman raconte l'âge et ses tribulations en se jouant des sexes, des genres, des émois des malheureux condamnés que nous sommes. La communauté de destin, ici, fait loi. C'est pourquoi sans doute, qu'ils soient cruels ou anodins, victimes ou acteurs de leur propre déclin, ces naufragés du grand âge, hantés par leur fin prochaine, s'avancent, sous la plume de Jauffret, comme autant de doubles de nous-mêmes.
Et c'est avec une franche allégresse que le lecteur se laisse entraîner dans cette danse macabre émaillée d'éclats de rire et de beauté.
Du grand art.
Un homme de 87 ans se marie.
Je me demande comment, vu son âge l'histoire va pouvoir tenir 275 pages.
Mais, à la page 27, je me rend compte qu'il s'agit en fait de nouvelles.
Je n'affectionne pas particulièrement, mais là, je me suis régalée.
Des nouvelles sur la vieillesse.
Et avec le ton et le style de l'auteur, on ne peut que se régaler.
D'accord, certaines sont bien glauques, mais d'autres sont tellement tendres, ou loufoques.
Ils en vivent des choses tous ces vieux !
Quand on est jeune, on croit qu'ils sont finis, qu'il ne se passe plus rien, mais que nenni.
Ils ne sont peut-être pas loin de la tombe, mais leur personnalité est toujours bien présente et ils ne s'en laissent pas conter.
Il fallait le talent d'écrivain de Régis Jauffret et sa belle écriture pour mener à bien ces seize nouvelles délectables.
Même si je les ai toutes aimées, ma préférence va à « L'explosion du langage », un petit chef d’œuvre de littérature.
L'auteur de LACRIMOSA, CLAUSTRIA ou encore LA BALLADE DE RIKERS ISLAND s'est toujours intéressé aux corps et aux monstres. Pas surprenant avec BRAVO de le voir consacrer un recueil de nouvelles à la vieillesse, aux vieux, au naufrage dont parlait le Général...Ces corps qui sombrent comme des navires sans une élégance rapide mais bien une lenteur putride. Pourtant ces vieux sous tous les angles ont quelque chose d'attachant, de touchant bien que pris dans la spirale de l'absurde que Jauffret manie encore et toujours avec une maestria étonnante. Et au delà de cette folie dévastatrice du récit et des personnages, il y a dans BRAVO une réflexion intense et sacrément intelligente sur le temps, les corps, le vide...
" Le compte à rebours n'existe pas si on se garde de l'inventer à chaque seconde. Il faut oublier sa dépouille pour exister. Je ne suis pas mon corps, ce Judas qui me donnera la mort."
Bravo !
Les "vieux " de R.Jauffret sont terribles , et peuvent bien nous persuader que la vieillesse est un naufrage .Ici, seize vieux et vieilles nous offrent un beau florilège de personnages bien décidés à pourrir la vie de leurs survivants. C'est une mosaïque de mauvais coucheurs, de furieux, de malpropres, enfin tout ce que l'on peut redouter de la grande vieillesse. D'ailleurs, Jauffret prévient , lui qui arrive à la soixantaine qu'il se tuera(ça, c'est à voir) quand viendra la décrépitude extrême.
Cela posé, faut-il en rire ou en pleurer? J'ai bien ri, et souvent , et cela grâce à une écriture brillante, pleine de finesse et aussi d'humour, macabre certes, mais tellement drôle.
Parce que tout de même, on ne peut s'empêcher d'y reconnaître certains "vieux" que l'on a connus, et on peut se demander aussi ce à quoi on risque de ressembler!
Bref, j'ai jubilé aux bons mots de Jauffret et à son appétit pour la vie.je lui pardonne beaucoup d'horreurs. Par contre, peut-être qu'un lecteur qui découvrirait cet auteur par ce livre, serait quelque peu déstabilisé.
Bonjour Danièle et Olivier,
Perso, j'ai bien aimé "Asile de Fous" et "Sévère".
Le thème de celui-ci me fait un peu peur.
Bon week-end, Nina
Bonjour Danièle, du coup, vous recommanderiez de démarrer par quel roman de Régis Jauffrey ?
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Bonjour Nina et Olivier, suivant R.Jauffret depuis longtemps me restent gravés surtout "Clémence Picot" une belle approche de cet auteur et puis aussi "la ballade de Rickers Island", et" Sévère " aussi, vous avez raison Nina.
Il ne faut pas craindre ce denier roman, l'écriture emporte tout! C'est un peu"Vieux , sales, et méchants" vous vous souvenez? Bonne journée Danièle