Pourquoi décider de parler, de s'interroger quant à la marche ?
Ce que je constate (brièvement) aujourd'hui : Vite le travail. Vite le transport. Vite les marchandises. Vite les informations. Vite les relations. Vite, même, mon introduction de cette chronique littéraire... Vite la vie !
Tout va vite et, de fait, se limitent les contacts humains et se limitent les contacts avec l'environnement naturel.
La question de départ s'éclaire : peut-être parce que nous perdons, petit à petit, sans nous en rendre compte, notre statut d'humain conscient, capable de faire, de penser et de transmettre. "Une humanité qui marche moins, pense moins et n'a plus d'histoire" (page 208).
A l'exigence de la rapidité, s'ajoute l'efficacité. Donc faisons vite et bien. Alors qu'en est-il de cette précieuse capacité humaine de la pensée, des choix mûrement réfléchis, de sa présence au physique au monde, de la valeur de chacun et des choses ? "Si "je marche en philosophe", je considère la marche comme la matrice du rapport humain au monde " (page 201).
Alors la marche ?
Eh bien justement : la marche, c'est prendre le temps de mettre un pied devant l'autre, d'avancer pas à pas, de peut-être parfois trébucher, donc de percevoir l'obstacle ou le vide. Et, par conséquent, nous évaluons, nous devenons prudent et nous assurons. Distinguez-vous, à présent, la similitude entre vos pas physiques et les pas de votre esprit ? "La marche de l'esprit est composée de myriades de trébuchements et d'élans retrouvés, de ces kyrielles d'errances et de repérages." (page 206).
Dès lors, marcher pour mieux se préserver, se protéger du rythme effréné, devenu insoutenable, de notre société ?
Car depuis l'antiquité, elle a permis aux philosophes de poser leurs idées, réfléchir à des hypothèses et argumenter leurs démonstrations.
Voyons comment marchent les philosophes ! Rejoignez les "marcheurs anciens", les "marcheurs d'Orient", les "marcheurs méthodiques et les flâneurs libres"... et même quelques "énergumènes modernes" !
Surprises, émotions, sourires... émerveillement, donc, à chacune de nos rencontres avec ces penseurs ! La philosophie rédhibitoire et rébarbative ? Pas avec ce livre, en tout cas ! Acceptez avec joie et curiosité l'invitation de Roger-Pol Droit à "marcher en philosophe" !
En passant en revue les figures de la sagesse au travers de « sages » et philosophes qui ont marqué l’histoire et l'histoire de la pensée (et particulièrement Diogène, Milarépa, Lao-Tseu, Shammai et Hillel, Bouddha, Tchouang-Tseu, Epicure, Confucius, Dögen, Montaigne, Spinoza, Schopenhauer, Nietzsche, Wittgenstein, …), Droit donne quelques clefs sur la singularité (de la figure) du sage (et son irréversibilité dans cette voie), son « opposition » avec les philosophes (qui sont plutôt à la recherche de connaissances et de vérités) alors que le sage serait plutôt homme des actes et de la recherche d’efficacité (sur les objets qui le concerne, dont il s’empare).
Mais il introduit des nuances dans ces oppositions apparentes, notamment pour les philosophes comme Montaigne, Spinoza, Schopenhauer, Nietzsche, Wittgenstein, dont l’intrication entre œuvre et vie en fait des hybrides singuliers : pas tout à fait sages … mais pas que philosophes (au sens de purs penseurs).
C’est didactique, à la lecture aisée … ce qui ne gâche rien.
Quel heureuse surprise que cette découverte de Roger-Pol Droit et de ces petites expériences de philosophies.
Dès l'introduction on sent qu'en s'embarque, à corps défendu parfois, dans quelque chose qui est bien loin d'une vulgarisation, d'un papier-mâcher de la pensée, mais juste une proposition de réflexion sur la vie dans ce qu'elle a de plus quotidien, de plus banal, de plus amical.
A travers ses petites expériences parfois assez loufoques, parfois complètement irrévérencieuses, l'auteur semble souhaiter seulement nous faire réfléchir à notre façon d'être au monde, à notre rapport à nous même et aux autres, et ce de la maniÈre la plus simple qui soit. Ses expériences interrogent, font sourire, font envie aussi parfois, et chacun sera libre de décider si il s'arrête là où si il pousse la pensée un peu plus en avant.
Je me suis quand à moi régalée de ces petites pistes de réflexions au quotidien et j'ai feuilleté avec plaisir ces pages qui comme toutes matières de pensée profonde, ont le don de vous sortir de vous même et de vous montrer que le monde est ouvert et grand si vous savez le regarder de manière adéquate...
Alors pour commencer : N'ayez pas peur !
Les "petites expériences de philosophie"de Roger-Pol Droit sont très éloignées de celles que nous enseignent les grands philosophes que nous étudions au lycée ! Il s'agit plutôt d'expériences et de réflexions sur des objets ou des situations du quotidien, qui nous incitent de cette manière à élargir notre vision du monde. Réfléchir sur notre vie, notre culture, mais aussi sur celles des autres : En combien de temps peut-on trouver un camembert en France ? En Angleterre ? Au Japon ? Et des sushis ?
Chaque expérience est décrite sur deux ou trois pages maximum, permettant ainsi une lecture papillonnante. De ce fait, même si toutes les expériences ne touchent pas un même lecteur, on peut toujours trouver un intérêt à bon nombre d'entre elles.
En revanche, inutile d'espérer trouver dans cet ouvrage de belles citations à ressortir dans une discussion mondaine; ce livre à pour but d'emmener le lecteur à réfléchir, et à faire partager ses réflexions, non pas à lui donner une leçon toute faite.
En quelques mots, il s'agit d'expériences philosophiques à la portée de tous, alors si vous êtes tenté, essayer ! ^^
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