Merci à Jean-Paul pour ses impressions, ses rencontres, ses Correspondances
Merci à Jean-Paul pour ses impressions, ses rencontres, ses Correspondances
Découvrez la chronique de Yannick pour le roman de Magyd Cherfi
#RL2016 : 560 romans à paraitre, nos #Explolecteurs vont en dévorer 50, venez les découvrir ici !
Alors qu’il assiste aux obsèques du père de son meilleur ami, Slimane regrette de ne plus être allé rendre visite à sa propre mère depuis huit mois.
Il lui faut bien reconnaître qu’à cinquante ans passés, il ne supportait plus les jérémiades, les reproches, les plaintes de celle-ci. Mais taraudé par la crainte qu’elle puisse bientôt quitter ce monde, il décide de renouer avec elle, et du même coup avec ses frères et soeurs.
Ce ne sera pas chose aisée, sa mère étant particulièrement aguerrie au chantage affectif et se plaignant de douleurs physiques invalidantes.
Mais Slimane, qui n’a plus de travail, deux fils adolescents et une épouse qui met sur pause leur vie commune pour se donner le temps de la réflexion quant à l’avenir de leur couple, tiendra bon.
Ce que j’ai aimé dans ce roman : les portraits des membres de la famille, les relations entre eux, leur mode de fonctionnement qui diffère de celui de la famille française lambda, l’évolution de la mère et l’ajustement que ses enfants sont obligés de faire pour la comprendre et accepter son changement, son envie de profiter un peu de la vie maintenant.
Un bon moment de lecture.
Si cette mère kabyle n'était qu'un personnage de fiction, on pourrait certainement rire de la caricature que nous en offre Magyd Cherfi. La comédie de cette « tribu rebeu » de cinq enfants, menée d'une main de fer par un père violent et une mère illettrée et irascible serait alors un vrai moment de plaisir.
Mais les adultes qui se sont construits dans le sillage d'une « mère fouettarde et castratrice » n'ont rien d'équilibré et ce n'est pas la maladie de cette femme, devenue veuve, qui leur permettra de faire la paix avec une enfance marqué par le manque d'amour.
Slimane, l'un des 3 fils, cuisinier au chômage, est le narrateur de ce roman qui, en décidant de faire soigner sa mère handicapée, tente de créer des liens qui n'ont jamais existé, au sein de cette famille déchirée par la haine.
Si tout n'est que plainte, reproche ou sentence dans la bouche de sa mère, la surprise de sa guérison pourrait bien redonner un semblant de normalité à cette fratrie qui a reproduit, chacun à sa façon, le traumatisme d'une éducation de frustration.
Magyd Cherfi ne manque pas d'humour pour nous immerger dans le noyau incandescent de cette famille Kaoui aux répliques drôles et acerbes.
Au-delà de la comédie familiale, ce roman nous parle de cette première génération d'immigrés d'Afrique du Nord venus travailler en France et dont les enfants ont tout fait pour s'intégrer à leur nouveau pays. Avec les générations suivantes, on voit apparaître ce que l'auteur appelle « la tectonique des plaques identitaires » générée par une assimilation plus ou moins bien réussie de croyances et de cultures différentes.
Un premier roman entre amertume et humour qui nous interpelle sur les conséquences d'un vécu familial déséquilibré et laisse entrevoir la lueur d'une résilience rendue possible avec le temps.
Pourquoi pas, en tout cas le propos ne peut pas laisser indifférent et cette lecture en est d'autant plus intéressante.
C'est un joli texte sur la relation mère-fils mais également sur le désir d'émancipation d'une femme, avec tout ce que cela comporte de défis vis à vis de la société mais également de sa propre famille. Comment se libère-t-on du poids des traditions et des douleurs du passé ? Est-ce que posséder veut dire aimer ?
Famille kabyle, père violent, illetrisme, manque d'amour dans l'enfance et Flaubert ...
Une belle réussite pour un 1er roman.
C’est d’une plume tendre, dure et piquée d’humour que nous livre ici Magyd Cherfi sa première fiction qui traite du sujet de l’identité quand on est issu de l’immigration et trace un portrait d’une mère maghrébine, toute puissante, abusive, voire castratrice. Il y développe aussi la question du féminisme sous l’angle novateur de l’ émancipation tardive et libératrice d’une mère kabyle sacrificielle et possessive. Cette remarquable histoire peut ,bien évidemment , être celle de n’importe quelle famille toutes origines confondues.
C’est lors de l’enterrement du père de son meilleur ami, en écoutant sa veuve s’épancher sur l’ingratitude de son défunt mari à son égard, sur ce qu’elle a vécu auprès de son bourreau de mari , que Slimane comprend qu’il est temps de faire enfin la paix avec sa mère et d’être à ses côtés pour ce qui lui reste à vivre, afin qu’aucun remord ne lui torpille sa vie. Il ne peut laisser son orgueil boursoufflé de bêtise empoisonner le reste de sa vie non plus. A cinquante ans, il se pense assez sage pour pouvoir accepter de ne pas lui faire entendre raison et de se faire pilonner comme aux plus beaux jours de son adolescence. N’est-il pas capable de reconnaître que quelque chose le lie à elle de plus fort que ses tombereaux d’insultes ? Il tente également de reprendre contact avec ses frères et sœurs, ces étrangers perdus de vue au fil des ans, afin que tout comme lui, ils accompagnent leur mère pour ses dernières années. Dès la première visite, après huit mois de bouderie, il retrouve une vieille femme aux prises avec ses rhumatismes et ses douleurs diverses qui ne lui laissent aucun répit et là encore, il hésite entre peine et méfiance. Rompu au chantage affectif il est incompris de ses fils quand au téléphone il prend de la distance avec le flot de plaintes douloureuses de cette mère qui les essore et les use.
« J’ai écouté en me demandant si quoi que ce soit qui vous lie par le sang valait d’être vécu. » p 98
« Sur le retour, me suis maudit d’être né, j’ai pensé à tous ces frères et ces sœurs morts en couche et me suis dit - veinards ! » p 98
« Moi maman, je l’avais toujours embrassée, par défi la plupart du temps, comme pour lui arracher des sentiments qu’elle me refusait. »p 113
Invité chez sa sœur, Soraya, Slimane pose un regard lucide et désenchanté dont découle une profonde réflexion sur la vie de cette dernière, qui adolescente, se rêvait coiffeuse pour finir esclave de son mari et de ses enfants, à l’image de leur mère. Il se met à haïr leurs racines qui décident du destin des femmes, tableau d’un moyen âge à rallonge.
« Chez Soraya aussi, c’était la traque, tous ces appels, une meute à ses trousses qui essoufflait son cœur, ça m’a laissé muet » p 136
« J’oubliais que maman attendait ça, l’impair, pour lancer son attaque , se sentir vivre, parce que l’adversité provoque cette sensation. » p 137
La fratrie tombe dans un abîme d’incompréhension quand , cette mère percluse de douleurs autant qu’enfermée dans ses rancœurs, après une intervention chirurgicale qui la soulage et du même coup soulage sa conscience , casse les codes et enfin se libère. Hafida, rencontrée au centre de réadaptation gériatrique fait entrer dans la famille un vent d’émancipation qui sidère et encourage la mère et les filles à ne plus avoir peur et à redresser la tête.
« Les filles sont restées sans voix, sidérées que cette Hafida puisse prendre les trois frères d’une main et de l’autre leur donner la fessée, oui, sidérées qu’on puisse avoir l’apparence d’une dévergondée et les tripes d’un cascadeur. » p 240
« Nous les garçons, on s’est sentis si riquiquis qu’on pouvait rentrer dans nos poches sans se plier. » p 240
Je me suis véritablement sentie happée par ce roman , lu d’une seule traite, tellement bien écrit, qui nous fait passer du sourire aux larmes. On y rencontre un homme, la cinquantenaire, plein de rancœur envers cette mère avec qui il va tenter de retisser un lien inédit qui le conduira de surprises en surprises jusqu’à se découvrir lui-même.
Nous avons ici le roman plein d’humanité qui nous livre un portrait de femme explosif doublé d’une déclaration d’amour maquillée en bras de fer.
Je recommande vivement ce livre où chacun , invariablement pourra s’y retrouver.
Lu dans le cadre du « Coup de cœur des lectrices ». Je remercie Version Femina ainsi que les Editions Acte Sud
Il n'y a pas encore de discussion sur cet auteur
Soyez le premier à en lancer une !
Une plume vive, des héros imparfaits et une jolie critique de notre société
Faites votre choix parmi les 20 romans en lice !
Tentez vite votre chance pour gagner l'une des 15 bandes dessinées sélectionnées par le jury
Une interview des auteurs, un défi écriture et des livres à gagner !