Une plume vive, des héros imparfaits et une jolie critique de notre société
Une femme dans le monde des facteurs d’orgues…
J’aime les romans qui donnent une vraie place aux femmes, qui leur rendent justice sans phrases qui sonnent creux, qui nous en parlent à travers des faits et des actions. Ici, c’est Ange qui va se mesurer au talent des hommes détenteurs d’un savoir ancestral.
Nous sommes en 1898, en Normandie. Ange est la fille unique d’Émelie, brodeuse et de Garin, responsable des jardins du Domaine de La Maizerie. Lors d’une visite à l’abbaye de Saint-Wandrille, sur le chemin du retour, elle entend une musique qu’elle ne pourra jamais oublier, celle jouée sur un orgue. À partir de ce jour, elle ne pensera qu’à une seule chose, devenir la meilleure pour créer un instrument qui la fascine. Mais comment partir rejoindre l’une des meilleures fabriques, située en Lorraine ? Comment quitter ses parents et Fortunato ?
Ce roman est dense, nourri d’informations sur la politique de l’époque, le monde du travail, les peurs et les envies d’un début du XXème siècle qui voudrait laisser derrière lui les affres de la guerre mais qui ne peut supporter d’avoir perdu l’Alsace-Lorraine. Mais il y a aussi, Ange, une jeune femme reçue brillamment au Certificat d’Études et qui ne veut pas suivre la voie royale qui s’offre à elle en continuant ses études. Elle veut apprendre « un métier d’homme ». Avec quel brio et quelles connaissances l’auteur nous parle d’elle et de son apprentissage auprès des meilleurs !
Ce roman est bien construit autour de l’histoire d’une vie de jeune femme partie en Lorraine, amoureuse, malmenée par la vie mais fière et déterminée. En même temps, le monde des facteurs d’orgues nous est offert avec une précision qui ne peut venir que de recherches importantes auprès des spécialistes. Le mélange est intéressant pour qui aime lire dans le but de se divertir mais aussi d’apprendre.
Pour ma part, les nombreux plats normands ou lorrains typiques (turgoule, cholande, bourdelot, fiouse, etc.), tout comme les costumes (Lorraines en halette et Alsaciennes en coiffe papillon) ou la vaisselle (coupes tulipes de Lunéville et faïences à cigogne de Soufflenheim) m’ont entraînée dans un dépaysement que je recherche à chaque lecture.
Je remercie Gilles Laporte, l’auteur, et Marie-Jeanne Denis des Presses de la Cité pour leur confiance en me confiant ce SP.
L’histoire débute en 1868 et se termine peu après la Seconde Guerre mondiale. Nous découvrons l’histoire de la ville de Vittel, depuis sa création, sur un pari fou de créer cet endroit là où il n’y a que marécage. La ville d’à côté se gausse du fondateur. Cette ville, c’est Contrexville. Au fil du temps, Vittel devient prospère. Tout en suivant l’histoire du pays, nous nous attachons à La Malie, jeune fille au démarrage de vie difficile face à un père violent. Son amour contrarié. Elle est envoyée au couvent. Son amoureux part pour le Canada. La vie s’écoule. Le père de la Malie décède. Elle quitte le couvent et rentre au pays. L’écriture de l’auteur est particulièrement belle. Recherchée. Je me suis surprise à relire plusieurs fois certaines phrases, juste pour le plaisir de les «entendre ». Toutefois, au fil du temps, une certaine lassitude s’opère. Peut-être parce qu’on suit une portion de la vie de la Malie puis on saute quelques années, brossage historique et de retour à sa vie. Dans ce sens, il manque de profondeur aux personnages, trop brossé justement pour ne garder que les « portions ». Plusieurs tomes auraient pu être faits pour continuer ce fil. Je reste très heureuse d’avoir découvert ce livre et l’histoire de Vittel. Bien intéressant.
Très beau roman. Les personnages sont touchants, les descriptions sont poignantes. L'auteur nous livre un roman incroyable en passant d'un continent à l'autre, d'une époque à l'autre sans jamais nous lasser. Une véritable prouesse.
Sous le regard attentif de Gilles Laporte, la société est dépeinte avec ses préjugés, ses faux-semblants, ses bienfaits tout en liant notre rapport à la nature. La nature est-elle vengeresse comme le loup est méchant ou alors est-ce l'homme qui par son égocentrisme la meurtrit et elle ne fait que se défendre. Observons bien ce qui nous entoure nous dit l'auteur. Les apparences sont bien souvent trompeuses. Malgré tout Gilles Laporte sait nous offrir une palette exquise et gourmande de la société et de la nature et ses personnages nous font alors saliver d'envie de déguster les produits du terroir lorrain ou normand. Il pimente le tout avec un humour aussi profond que le bleu de ses yeux acier ornés de rides particulière aux bons vivants qui ont su et savent encore rire et prendre plaisir à la vie.
Son roman est une bouffée d'oxygène, une bouffée de réflexion et de philosophie. N'a-t'on pas cette impression de respirer l'air de la campagne, l'air des Vosges, de la Lorraine palpitante entre ville et campagne? Le loup fera penser sans doute à la bête des Vosges, le nom donné à un animal mystérieux qui sévit entre 1977 et 1978 dans le massif des Vosges en s’attaquant au bétail. Sa médiatisation est devenue un véritable fait de société.
Tout rentre pourtant dans l'ordre des choses comme dans un happy end et la vie continue après le mystère du loup résolu. La nature se pare de ses plus beaux atours, les hommes reprennent le cours de leur vie quotidienne, comme si rien ne s'était réellement passé. On se plait alors à chanter la vie comme le temps des cerises même si l'on sait que la vie offre bien des surprises... et que l'homme n'a toujours rien compris vraiment de la vie.
Quand nous en serons au temps des cerises
Et gai rossignol et merle moqueur
Seront tous en fête
Les belles auront la folie en tête
Et les amoureux du soleil au coeur
Quand nous chanterons le temps des cerises
Sifflera bien mieux le merle moqueur
Mais il est bien court le temps des cerises
Où l'on s'en va deux cueillir en rêvant
Des pendants d'oreilles
Cerises d'amour aux robes pareilles
Tombant sous la feuille en gouttes de sang
Mais il est bien court le temps des cerises
Pendants de corail qu'on cueille en rêvant
Quand vous en serez au temps des cerises
Si vous avez peur des chagrins d'amour
Évitez les belles
Moi qui ne crains pas les peines cruelles
Je ne vivrai pas sans souffrir un jour
Quand vous en serez au temps des cerises
Vous aurez aussi des chagrins d'amour
J'aimerai toujours le temps des cerises
C'est de ce temps-là que je garde au coeur
Une plaie ouverte
Et Dame Fortune, en m'étant offerte
Ne saura jamais calmer ma douleur
J'aimerai toujours le temps des cerises
Et le souvenir que je garde au coeur
Quelques points du roman cependant laisse le lecteur sur sa fin mais on peut penser là à une volonté de Gilles Laporte d'amener le lecteur à imaginer par exemple des scènes non évoquées, des personnages secondaires partis et leur avenir ensuite...
Il n'y a pas encore de discussion sur cet auteur
Soyez le premier à en lancer une !
Une plume vive, des héros imparfaits et une jolie critique de notre société
Faites votre choix parmi les 20 romans en lice !
Tentez vite votre chance pour gagner l'une des 15 bandes dessinées sélectionnées par le jury
Une interview des auteurs, un défi écriture et des livres à gagner !