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Bernard Malamud

Bernard Malamud

Bernard Malamud né le 26 avril 1914 et mort le 18 mars 1986 à New York, est un romancier américain, fils d’immigrés juifs russes.

Particulièrement célèbre pour ses nouvelles comme Le Tonneau magique (1956), ses romans ont également contribué à sa notoriété, comme Le Meilleur (1952), Le Commis (1...

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Bernard Malamud né le 26 avril 1914 et mort le 18 mars 1986 à New York, est un romancier américain, fils d’immigrés juifs russes.

Particulièrement célèbre pour ses nouvelles comme Le Tonneau magique (1956), ses romans ont également contribué à sa notoriété, comme Le Meilleur (1952), Le Commis (1957) ou L’Homme de Kiev (1957), récompensé par le National Book Award et le Prix Pullitzer.

Vidéos relatives à l'auteur

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Avis sur cet auteur (6)

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    Couverture du livre « L'Homme De Kiev » de Bernard Malamud aux éditions Seuil

    steph_bookin1 sur L'Homme De Kiev de Bernard Malamud

    Prix Pulitzer et National Book Award 1967
    Yakov Bok est réparateur de son état, il ne possède pas grand-chose, n'a même plus de femme, depuis que cette dernière l'a quittée. Tout ce qu'il souhaiterait lui, c'est une vie meilleure. La fréquentation qu'il fait depuis quelque temps des livres, et...
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    Prix Pulitzer et National Book Award 1967
    Yakov Bok est réparateur de son état, il ne possède pas grand-chose, n'a même plus de femme, depuis que cette dernière l'a quittée. Tout ce qu'il souhaiterait lui, c'est une vie meilleure. La fréquentation qu'il fait depuis quelque temps des livres, et notamment de Spinoza lui en donne le goût. Alors il part, il quitte sa campagne natale, pour aller tenter sa chance à la grande ville, Kiev : « je n'ai pas grand-chose, mais j'ai des projets. » dit-il à son beau-père avant de quitter son shtetl.
    Yakov est Juif dans la Russie tsariste, il a assisté aux progroms de 1905-1906, il sait qu'il n'a pas le droit de résider en dehors du quartier juif de Kiev. Il n'est pas pratiquant, ne croit même pas en Dieu « [Dieu] est avec nous jusqu'au moment où les cosaques nous foncent dessus au grand galop, alors il est ailleurs. Il est dans les latrines, si tu veux savoir. » mais il comprend qu'il doit être prudent dans sa nouvelle vie. Un soir, il secourt le riche Lebedev, malgré l'insigne de l'aigle bicéphale des Cent-Noirs qui orne son manteau, indiquant clairement son appartenance à ce groupe antisémite et monarchiste né de la révolution de 1905.
    Ce geste d'humanité va pourtant le précipiter en enfer. Yakov accepte de travailler à la briqueterie de Lebedev, située en dehors du quartier juif. Mais lorsqu'un enfant est sauvagement assassiné aux abords de l'usine, les soupçons se portent rapidement sur l'homme juif, qu'on accuse d'avoir perpétré un meurtre rituel. Il devient alors le bouc émissaire idéal, le coupable tout désigné d'une campagne antisémite destinée à détourner l'opinion publique des protestations à l'égard du pouvoir du Tsar.
    Ce que nous montre Malamud, c'est l'absurde violence, l'implacable détermination à condamner cet innocent qu'on enferme en prison dans l'attente du procès. Il n'est pas seulement privé de liberté, l est abîmé par ses geôliers, cruellement harcelé par un système absurde aux échos kafkaiens, dans une mécanique d'anéantissement de l'individu, un antisémitisme délirant et une négation de la justice révoltante.
    Malamud nous immerge dans la cellule de Yakov, dans ses pensées, ses délires d'homme affamé et désespéré. Mais Yakov ne renonce pas, jamais, il demeure fidèle à la vérité. Inspiré par l'histoire vraie d'un Juif Ukrainien emigré aux Etats-Unis, Malamud nous offre avec ce roman l'un des plus beaux personnages de la littérature mondiale et un chef-d'oeuvre sur la condition humaine. Yakov n'est pas seulement Juif, il est homme qui résiste et qui réveille chez nous le sentiment de l'obligation, celle d'agir, de tendre la main à l'autre. Puissant et indispensable !
    Mention spéciale au magistrat Bibikov qui donne l'occasion à Malamud de définir une philosophie tellement actuelle: « je suis adepte du méliorisme. C'est-à-dire que j'ai décidé d'agir en optimiste le jour où je me suis aperçu que le pessimisme m'empêchait d'agir. On se sent souvent réduit à l'impuissance face au désordre des temps modernes […] Mais pour peu qu'on ait quelque chose à offrir, on ne doit pas se soustraire à sa tâche, au risque de se diminuer sur le plan humain. »

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    Couverture du livre « Le tonneau magique » de Bernard Malamud aux éditions Rivages

    voyages au fil des pages sur Le tonneau magique de Bernard Malamud

    "Le tonneau magique" est un recueil de treize nouvelles, treize perles d'humanité, couronnées en 1959 par le National Book Award. Je ne vais pas résumer chacune d'elles, mais elles ont de nombreux points communs : leurs personnages sont des gens modestes, petits commerçants besogneux, juifs...
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    "Le tonneau magique" est un recueil de treize nouvelles, treize perles d'humanité, couronnées en 1959 par le National Book Award. Je ne vais pas résumer chacune d'elles, mais elles ont de nombreux points communs : leurs personnages sont des gens modestes, petits commerçants besogneux, juifs immigrés de première ou deuxième génération, vivant dans le New York des années 50 et pour lesquels les tragédies de la deuxième guerre mondiale sont encore palpables. La plupart de ces histoires se déroulent aux USA, quelques-unes en Italie, et ont pour thème la quête du bonheur, que celui-ci se confonde avec l'amour, la fortune ou le succès. Et Dieu (pour autant qu'il existe, mais rien moins sûr depuis la Shoah), que cette quête est difficile, dramatique, tragique. Mais tous les personnages, tous anti-héros, s'entêtent, absurdement, comiquement, n'ayant pas ou plus d'autre sens à donner à leur vie. Certains feraient n'importe quoi pour obtenir de l'aide, y compris s'adresser à un ange aux ailes douteuses (L'ange Levine), tandis que d'autres s'obstinent à refuser la main qu'on leur tend avec une charité parfois extrême (Pitié). Certains réussiront (Les sept premières années), d'autres gâcheront leur chance stupidement (La dame du lac), tous en retireront quelque chose : réponses existentielles, illusions perdues, miracle, changement de perspective.
    Un autre point commun : tous ces heurs et malheurs sont racontés avec beaucoup de tendresse, dans une veine tragi-comique qui évite le pathos larmoyant. Avec des portraits attachants, des états d'âme décrits avec finesse et l'universalité de ces drames individuels, ces textes s'impriment pour longtemps dans la mémoire du lecteur.

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    Couverture du livre « Le tonneau magique » de Bernard Malamud aux éditions Rivages

    Marie-Laure VANIER sur Le tonneau magique de Bernard Malamud

    Après ma lecture du Commis, roman que j'ai vraiment beaucoup aimé, je craignais d'être un peu déçue par des nouvelles : je pensais qu'un format plus court donnerait forcément quelque chose de moins puissant. Eh bien, il n'en est rien, loin de là ! Ces treize nouvelles admirablement traduites par...
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    Après ma lecture du Commis, roman que j'ai vraiment beaucoup aimé, je craignais d'être un peu déçue par des nouvelles : je pensais qu'un format plus court donnerait forcément quelque chose de moins puissant. Eh bien, il n'en est rien, loin de là ! Ces treize nouvelles admirablement traduites par Josée Kamoun ont une force telle qu'elles acquièrent une dimension quasi mythique.
    Elles mettent en scène de petites gens : un cordonnier et son ouvrier, des étudiants, des épiciers, un futur rabbin, un tailleur, un boulanger… En quelques mots très efficaces, l'incipit met en place leur situation : la vie n'a gâté ni les uns ni les autres ; les personnages de Malamud manquent d'amour, d'argent, de chance, de foi aussi car il leur arrive de douter… En effet, tout se passe comme si la Providence les avait abandonnés. Que « faire » de Dieu après la Shoah, comment croire qu'il est encore là pour aimer et protéger ?
    Usés par la vie, ces hommes et ces femmes souffrent physiquement et moralement. Et ils se débattent comme ils peuvent, souvent seuls et accablés de malheur. Et ceux qui sont censés leur apporter un peu d'aide ne sont pas mieux lotis qu'eux ! Je pense par exemple au pauvre agent immobilier sans bureau, Vasco Bevilacqua, qui dans « La précieuse clef » fait tout ce qu'il peut pour trouver un appartement convenable à Carl Schneider, doctorant en études italiennes, venu avec sa famille à Rome pour faire des recherches.
    Certains d'entre eux d'ailleurs déclinent l'aide qu'on leur propose et il faut ruser pour tenter de leur donner un coup de main. C'est le cas d'Eva et de son époux qui refusent de quitter leur épicerie malgré les conseils de Rosen : « Bon Dieu, lui ai-je dit, faites n'importe quoi, peintre, concierge, ferrailleur, mais sortez-vous de cette boutique avant d'être tous transformés en squelettes. », « Cette boutique, c'est un enterrement de première classe. Vous allez y laisser votre peau si vous ne vous sauvez pas tout de suite. » Mais Rosen aura beau se démener, il arrivera ce qu'il arrivera, comme il l'aurait dit lui même !
    Ils vivent un tournant de leur existence, rien ne sera plus pareil après, enfin… c'est ce qu'ils espèrent… Hélas, l'illusion les aveugle parfois et les place sur des chemins qui ne mènent nulle part. On retrouve dans ce recueil de nouvelles les thèmes qui hantent l'auteur : la culpabilité, l'amour, la condition humaine, la judéité : « qu'est-ce-que sa judéité lui avait apporté sinon des migraines, des complexes et de tristes souvenirs ? » s'interroge Henry Levin dans « La dame du lac », tandis qu'il n'a pas osé avouer qu'il est juif à une jeune fille qu'il courtise … « Il se consolait en se disant qu'il était juif et que le juif souffre » pense le futur rabbin Leo Finkle qui dans « Le tonneau magique » a fait appel à un marieur afin de trouver une épouse… qu'il ne trouve pas !
    Ces nouvelles, extrêmement touchantes, sont toutes pleines d'humanité… Certaines d'ailleurs ne sont pas dénuées d'humour et de fantaisie sans pour autant cesser de côtoyer le tragique.
    S'il m'est impossible de vous parler de chacune de ces nouvelles, je peux vous dire deux mots sur celles qui m'ont particulièrement marquée : la première « Les sept premières années » met en scène Feld, un cordonnier souhaitant marier sa fille à un étudiant nommé Max, un garçon instruit et sérieux qui, dans un premier temps, donnerait peut-être à Miriam l'envie de fréquenter l'université et à coup sûr, plus tard, une vie meilleure… Or, un jour, Feld se sent obligé de renvoyer Sobel, son ouvrier polonais, pour cause de maladresse… Sous la charge de travail qu'il doit désormais assumer seul, il finit par aller le rechercher et lors d'une discussion, en viendra à lui demander pourquoi depuis plusieurs années, il accepte de travailler autant d'heures pour quasiment rien. Cette nouvelle est particulièrement émouvante et rappelle par de nombreux aspects l'intrigue du Commis.
    Je repense à la nouvelle intitulée « L'ange Levine »  dans laquelle le tailleur Manischevitz a tout perdu : son commerce dans un incendie, son fils à la guerre et sa fille qui a fui au bras d'un rustre. Ses propres douleurs au dos relèvent de la torture. Il ne lui reste que sa femme qui est mourante et ses yeux pour pleurer.
    « Manischevitz avait traversé ces épreuves en restant passablement stoïque, presque incrédule devant tout ce qui lui tombait sur la tête, comme si ces coups durs advenaient, mettons, à une vague connaissance ou un parent éloigné. Une telle avalanche de misère dépassait l'entendement. »
    Or, un jour, dans sa salle à manger, Manischevitz voit un ange… noir. « Qu'est ce que vous faites là ? » lui demande-t-il. L'autre se présente : il se nomme Alexander Levine. « Où sont passées vos ailes ? » s'inquiète le tailleur dubitatif et il ajoute un peu inquiet « Si Dieu m'envoie un ange, pourquoi un ange noir ? », « C'était à mon tour de descendre. » répond logiquement l'ange Lévine, expliquant qu'il peut sauver la femme du tailleur. Mais ce dernier ne peut s'empêcher de prendre l'ange pour un imposteur… Et si Lévine était vraiment un ange, un ange noir envoyé pour secourir le tailleur ? Manischevitz ne devrait-il pas tenter de le prendre au sérieux ?
    « C'était dur à croire mais n'empêche, si jamais il avait effectivement été envoyé pour secourir et que lui, dans son aveuglement d'aveugle, n'avait rien voulu savoir ? L'idée le torturait. »
    J'ai adoré cette nouvelle : son côté absurde, son humour, sa dimension tragi-comique et encore une fois toute l'humanité qui s'en dégage.
    « Lectures d'été » m'a beaucoup plu : cette nouvelle met en scène un jeune lycéen qui a arrêté ses études et s'ennuie à mourir dans la touffeur de l'été new-yorkais. Sans travail ni occupation, il a un peu honte de cette absence totale d'activité et lorsqu'un vieux voisin, monsieur Cattanzara, l'interroge sur la façon dont il occupe ses journées, le jeune homme assure qu'il lit, qu'il lit même beaucoup. Il ajoute même qu'il a prévu de lire une centaine de livres pendant l'été. Mais évidemment, il n'en fait rien et honteux, il en est réduit à se cacher lorsqu'il rencontre son vieux voisin qui comprend un peu son manège mais continue néanmoins à l'encourager dans ses lectures… Comment faire pour ne pas décevoir quelqu'un qu'on aime beaucoup et qui a confiance en nous ?
    La fin de chacune de ces nouvelles nous invite à penser, à poursuivre l'histoire, à imaginer une ou plusieurs suites possibles et surtout à nous interroger sur le sens profond des actes et des paroles des personnages.
    Un auteur injustement oublié, extrêmement attachant, à redécouvrir de toute urgence !

    LIRE AU LIT http://lireaulit.blogspot.fr/

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    Couverture du livre « Le commis » de Bernard Malamud aux éditions Rivages

    Marie-Laure VANIER sur Le commis de Bernard Malamud

    Morris Bober semble être un homme sur lequel le destin a décidé de s'abattre. Modeste épicier juif de Brooklyn (comme l'était le père de l'auteur), il travaille presque nuit et jour pour quelques rares clients qui viennent pousser la porte du petit commerce tandis que d'autres préfèrent les...
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    Morris Bober semble être un homme sur lequel le destin a décidé de s'abattre. Modeste épicier juif de Brooklyn (comme l'était le père de l'auteur), il travaille presque nuit et jour pour quelques rares clients qui viennent pousser la porte du petit commerce tandis que d'autres préfèrent les épiceries plus fines et plus modernes, les delicatessens, qui se multiplient dans le quartier en ce début des années 50. Morris Bober se tuerait à la tâche pour que sa fille Helen puisse enfin faire des études, hélas trop coûteuses, et pour que sa femme Ida sorte de la dépression dans laquelle elle s'enfonce de plus en plus.
    Mais à son grand désespoir, les clients se raréfient chaque jour davantage, l'épicerie se délabre et ils ont de plus en plus de mal à payer leurs dettes et à vivre décemment. Et ce désastre dure depuis presque vingt-et-un ans. Il faudrait vendre le plus vite possible mais qui achèterait une échoppe aussi misérable ?
    À ce grand malheur va venir s'ajouter un autre drame : Morris va être attaqué ! Eh oui, un hold-up!Deux hommes masqués vont s'introduire dans le petit commerce pour voler de l'argent que Morris... ne possède pas. Au mieux, quelques dollars traînent dans la caisse enregistreuse, trois fois rien, comme d'habitude... Très en colère, les malfrats se vengeront en lui assénant des coups qui provoqueront des blessures telles que Morris ne pourra plus se lever ni donc travailler. Le malheur chez l'épicier est sans fond et sa chute infinie.
    Or, un jour, tandis que le vieil homme tente de rentrer deux caisses de lait dans sa boutique, il fait un malaise et est retenu par un individu comme tombé du ciel, un certain Frank Alpine, émigré italien, qui rôde dans le quartier depuis quelques jours sans que personne puisse dire exactement d'où il vient ni où il loge. Cet homme étrange semble affamé, il tremble de froid ou de peur et jette des regards inquiets dans tous les coins de la boutique. Morris Bober va éprouver de la pitié, de la compassion pour cet homme démuni qui cherche du travail. Dans un sens, l'arrivée plutôt inattendue de ce Franck est une aubaine pour l'épicier : il va pouvoir être aidé. En même temps, il ne peut honnêtement « exploiter » indéfiniment ce garçon en le payant très peu, voire pas du tout. D'autant que Morris Bober est un être parfaitement intègre et droit qui ne peut vivre sans respecter la morale, la Loi. Comment peut-il faire ? Chasser Franck, c'est le remettre à la rue, et le garder revient à exploiter un homme, ce qui est insupportable… Et puis, l'épicier a beau avoir un grand coeur, il se demande quand même qui est cet étranger.
    En effet, qui est Franck Alpine ? Voilà certainement la question centrale du roman. Qui est cet homme fasciné par la figure de Saint François d'Assise ? Que veut-il ? Doit-il expier quelque faute ? Il semble très intéressé par Helen, la fille de l'épicier, et va placer naïvement tous ses espoirs dans cette relation amoureuse, sans penser qu'en tant que non juif, il peut toujours rêver : jamais les parents de la jeune fille n'accepteront qu'un goy épouse la chair de leur chair…
    À la lecture de ce roman , j'ai très vite eu l'impression d'être du côté de l'univers de Dostoïevski , mais aussi de celui de Kafka: on sent qu'au fond ce texte est une parabole dont le sens est à chercher autour des thèmes de la faute, du pardon, de la notion de judéité. Très souvent, revient la question : qu'est-ce qu'être juif ? Cette interrogation semble obséder l'auteur. « Quel genre d'homme fallait-il être pour s'enterrer du matin au soir dans ce cercueil géant sans jamais sortir pour respirer une bouffée d'air, à part pour acheter un journal en yiddish ? C'est bien simple, il fallait être juif. Ils sont nés prisonniers. Il fallait avoir la patience inlassable ou l'endurance ou la résignation de Morris comme l'avaient aussi Al Marcus, le marchand de sacs en papier et ce vieux coq décharné de Breitbart qui trimballait de porte en porte son chargement d'ampoules électriques. » s'interroge l'épicier. Quant à Frank, ses questionnements portent sur les mêmes sujets : «  En somme, ces gens-là ne vivent que pour souffrir. Et le plus honoré d'entre eux, le pur des purs, le Juif modèle est celui qui supporte le plus longtemps la douleur qui lui ronge les tripes avant de se précipiter aux toilettes. » « C'est drôle… pour les Juifs la souffrance est une pièce de tissu ; ils s'en drapent comme dans un vêtement. »
    Si l'on s'en tient à ces définitions, on peut dire que même si Franck n'est pas juif, tout se passe comme s'il l'était : il souffre, s'épuise, donne tout ce qu'il peut de lui, cherche à se faire pardonner ses fautes, à se racheter, à être meilleur… Ses remords pèsent lourd sur sa conscience et son besoin d'expiation semble vital. Et pourtant, il ne parvient jamais à se fixer définitivement du côté du Bien ou du côté du Mal et oscille sans cesse d'un point à l'autre comme si sa vie, finalement, était une lutte constante pour parvenir enfin à être ce à quoi il tend, selon moi, depuis le début sans jamais en avoir vraiment conscience… Je n'en dis pas plus, vous le verrez à la fin… Son parcours ressemble à une quête, une espèce d'initiation et on pourrait discuter longuement de ce qui la motive chez Franck...
    Finalement, il ressemble assez à l'épicier qu'il plaint… au point d'aller parfois jusqu'à le remplacer totalement ou d'être pour Morris comme un fils adoptif.
    Le texte, assez mystérieux (et c'est ce qui en fait toute la richesse), s'offre à des interprétations multiples et le personnage très ambigu du commis crée un véritable suspense… Quant à son acte final (ah, je sens que j'attise votre curiosité… mais c'est bien, c'est bien!), on pourrait passer une nuit à tenter de l'analyser et proposer différentes interprétations possibles. Oui, c'est là que l'on voit qu'il s'agit d'un grand livre !
    J'ai beaucoup aimé aussi l'unité de lieu : tout se passe effectivement quasiment dans une petite épicerie dont on s'éloigne rarement. Cela confère à l'oeuvre une dimension théâtrale et met bien en évidence les « vies cloîtrées » (l'expression est de Roth) des personnages de Malamud toujours coincés dans un espace réduit dont ils ne parviennent jamais à sortir malgré leurs tentatives. Ces petites gens finissent par devenir le symbole de la condition humaine, des figures à la Beckett, engluées dans des espaces dont ils sont prisonniers, aspirant à un ailleurs (géographique ou métaphysique) dont ils ne verront jamais la couleur. Ils ont quelque chose de fondamentalement tragique, ce qui les rend particulièrement touchants.
    Un texte complètement essentiel, à lire et à relire.

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